La nuit est entièrement tombée quand nous entamons la traversée du lac Scintillant. Les flots paisibles reflètent la lumière de la Lune, loin sous nos pieds. Est-ce la Lune d'ailleurs ? Je lève la tête vers le satellite naturel qui éclaire habituellement notre sommeil pour apercevoir deux cercles illuminés se distinguant de milliers d'étoiles.
Hum... ce n'est pas la Lune du coup. Je demanderais bien à Thalion, mais plus tard, parce que là, tout de suite, je n'en ai pas la force.
Je me laisse envelopper par le silence de la nuit, enfin calmée après avoir craqué comme ce matin et pleurer silencieusement toutes les larmes de mon corps. Ce matin... Il me semble que nous nous sommes faits attaqués par les Alphyns la semaine dernière... tant de choses se sont passées depuis ; l'attaque, la rencontre de Thalion, les Griffons, le Dragon, l'arrivée au château, la reine, la lettre, la décision, le mort, la fuite...
Pour ne pas perdre le contrôle à nouveau, je décide de ne plus y penser et me replonge dans ma contemplation.
Un ciel sans nuages se fond dans un paysage plongé dans l'obscurité et seules les étoiles permettent encore de délimiter l'horizon. Les deux Lunes nous procurent un peu d'éclairage, dispersant une douce lueur sur la nature endormie. L'une d'elles est d'un blanc laiteux et l'autre d'un orangé éclatant contrastant avec le noir de la voûte céleste.
Nous perdons de l'altitude et je remarque que nous ne survolons plus le lac, mais une masse dense et sombre, sûrement une forêt endormie.
Nous nous posons dans un espace dégagé, mais l'obscurité ne me permet pas de distinguer plus nettement cet environnement. Après nous avoir assuré qu'il ne pleuvrait pas, Thalion sort trois couchages des sacs en toile transportés par les Griffons et les déplie avant de nous en tendre un chacun.
― Ce sont des peaux de Catoblépas. Elles sont très épaisses ce qui est vraiment pratique contre le froid et la dureté du sol.
Il recommence à fouiller la sacoche avant d'en sortir un pot en argile gravé de motifs étranges et peint en rouge recouvert d'un couvercle étanche.
― C'est une spécialité Faune, un feu éternel qui repousse les bêtes sauvages et le froid. Le seul inconvénient, c'est qu'il est visible de très loin, par des amis dans le besoin comme par d'éventuels ennemis.
Je hoche la tête gravement et demande :
― Les Faunes ?
― Ou les Satyres. C'est pareil, répond Romain.
― Comment tu sais ?
― Je l'ai vu en latin.
Je me souviens alors que mon ami est inscrit à cette option depuis la sixième et qu'il est passionné de créatures mythologiques et d'étymologie. Nous nous étions rencontrés là-bas, mais j'avais arrêté dès la cinquième. Je ne voyais pas l'intêret de savoir parler une langue morte, surtout s'il fallait apprendre toutes les terminaisons et déclinaisons qui vont avec.
― Tu en fais toujours ? je m'étonne.
― Bien sûr, dit-il comme une évidence.
― Eh ben dis donc.
Nous déplions les peaux de Carlopéplas – ou quelque chose comme ça – et les disposons en cercle sur l'herbe sèche avant de placer le pot en argile au centre. Les deux Griffons s'allongent à nos côtés. Thalion ouvre le bocal pour libérer de grandes flammes bleutées qui s'élancent vers les Cieux.
― Tu connais les Carpolépas, du coup ? Je questionne Romain.
― Catoblépas, corrige-t-il.
― Pardon Môssieur, j'ironise. Et alors, c'est quoi ?
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Laurie et l'oiseau de feu
Paranormal« Deux possibilités. Deux choix. L'amour ou la haine. Le bien ou le mal. La lumière ou les ténèbres. Pour Laurie, le choix est évident. Mais a-t-elle vraiment le choix ? Ou son destin est-il écrit à l'encre indélébile quelque part dans l'Univers ? ...