Chapitre 15 - Encore lui ?!

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Après avoir survolé des vallons verdoyants toute la journée, nous établissons notre campement sur un plateau surplombant cette immensité.

Assise en tailleur, je rapproche mes mains du feu éternel pour les réchauffer ; les journées ont beaux être chaudes, les nuits en sont d'autant plus fraîches.

― Au fait GTI, je commence, tu ne m'as toujours pas raconté cette fameuse légende de l'oiseau de feu.

Le prince sourit d'un air énigmatique et prends le temps de s'asseoir confortablement, histoire de me faire attendre un peu plus. Sa voix baisse d'une octave quand il débute son récit :

― Il y a très longtemps, bien avant l'invention des saisons, le Monde de l'Imaginaire et la Terre ne faisaient qu'un. Nos peuples n'étaient pas encore dissociés, ne formant qu'une seule et même famille. Le Phénix, notre protecteur à tous, veillait sur nous et avisait des éventuels dangers, aussi bien intérieurs qu'extérieurs.

Il marque une pause pour ménager son suspense, et j'en profite pour attraper de la viande de Coquecigrue séchées ; il faut croire que j'ai fini par m'habituer au goût et à la dureté de cette spécialité Elfe.

― Mais bientôt, le Phénix se rendit à l'évidence ; les Hommes ne pouvaient vivre dans la paix et le respect. Tout à son désespoir, il ne trouva qu'une solution ; tenter de créer un autre monde, pour tout recommencer à zéro. Bien qu'il n'ait pas les capacités d'un dieu, il fut capable de créer le Monde de l'Imaginaire. Son énergie vitale servit à rassembler des astéroïdes pour former une planète, son amour devint Alba et sa noirceur devint Nigreos, ce qu'il restait du protecteur, son âme, la lumière à l'état pur, se changea en Luxia pour nous éclairer quand le Phénix créateur ne serait plus.

Le silence s'installe à la fin de son récit, laissant planer l'atmosphère de cette légende encore un peu. Avide de connaissances, je finis par demander :

― Qui sont Alba et Nigreos ?

L'Elfe sourit à ma remarque.

― Eux, dit-il simplement en levant les yeux vers les deux Lunes du Monde de l'Imaginaire.

Je dirige moi aussi mon regard vers le ciel pour contempler les deux sphères qui éclairent nos nuits depuis quelques jours. Peu éloignés l'un de l'autre, les deux astéroïdes semblent danser ensembles, unis par cette valse féerique et éternelle. Nigreos est si sombre qu'il serait invisible sans la lumière d'un blanc laiteux d'Alba qui se reflète à sa surface.

Rassasiée, je m'affale sur ma couchette, bien blottie dans me peau de Cartoplépas. Le regard perdu dans les étoiles, j'imprime la légende de l'oiseau de feu dans mon esprit pour pouvoir l'incruster au cœur de mon roman dès que j'aurai la possibilité d'écrire.

C'est fou quand même !... J'invente de toutes pièces un conte sur un phénix inexistant et je découvre quelques semaines plus tard qu'elle colle parfaitement à la réalité. Enfin, la réalité... si elle existe encore une fois qu'on s'est téléporté dans un monde parallèle ! Je n'en reviens toujours pas que ça nous soit arrivé ; pourquoi nous ? Supposons que cet univers imaginaire existe depuis la nuit des temps, comment ça ce fait que moi, Laurie Dumont, lycéenne à la vie banale et ennuyeuse, je me retrouve mêlée à toute cette histoire farfelue ? Ça aurait pu être n'importe qui ! Et pourtant, c'est Romain et moi...

Romain qui est là à cause de son père et de sa lettre énervante...

La lettre.

Je me rappelle d'un petit détail étrange dans ce manuscrit plus ou moins anonyme au contenu foireux : cœur pur.

J'ai occulté ces deux petits mots dérangeants jusque-là, mais leur signification est sans nuls doutes importante.

Alors, comme ça, mon cœur à moi serait « pur » ? Ça m'étonnerait ! Je n'ai jamais fait aucune œuvre caritative pour aider qui que ce soit, je juge parfois les gens au premier coup d'œil, me moque d'eux, parfois sans les connaître il faut bien le reconnaître... Sans mauvaises intentions évidemment, c'est juste pour rigoler.

Laurie et l'oiseau de feuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant