Chapitre 5 : Jul

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13 janvier 2026 : mise en place de l'ordre D-E2

Ça y est. La nouvelle est tombée ce matin. Les Éveillés ne sont plus condamnés à mort ! Dans les rues du district 14, on peut voir des gens danser et faire la fête. Il aura fallu deux ans pour nous décriminaliser. Les Éve qui étaient restés cachés défilent maintenant dans les rues.

Un grand sourire s'étire sur son visage. "On a gagné. On va pouvoir vivre nos vies !" j'acquiesce et l'embrasse. Ça fait 2 ans qu'on vit caché dans notre mini repaire, à sortir qu'une fois par semaine pour se réapprovisionner. Je suis tellement heureux. Et lui aussi. On s'embrasse de nouveau. "Hum hum. Je vous dérange peut-être ?" Millie s'approche de nous et me donne un coup sur la tête. Je souris, et on se fait un câlin. Je suis tellement content, après des années de combat je vais enfin pouvoir reprendre une vie normale. Notre drôle de quatuor se rassemble et crie de joie. Notre vie redémarre !

On sort dans la rue, moi, Millie, Simon et Anna. Je tiens la main de Simon.

J'ai quand même peur, car on l'a vu bien trop souvent dans l'histoire, mais ce n'est pas parce que une loi annule une autre que les gens changent pour autant. À chaque personne qui passe, je me demande si elle aussi est un Éveillé. Mais personne n'utilise de capacités ce qui complique notre manière de discerner les Éve des Non-Éve. Malgré tout, je sais que nous sommes encore peu en vie, je dirais 5% de la population mondiale restante. Mais c'est qu'une approximation. Pourtant, nous sommes des centaines à défiler dans les rues de Barcelone. Les Éveillés ont beaucoup d'alliés, ce qui nous étonne car les gens pensent parfois encore que c'est de notre faute, que nous avons "décimer" l'humanité.

Un camion passe dans la rue, des militaires. Leurs mégaphone répètent en boucle le même message depuis ce matin :

"Avis aux Éveillés ayant évité la purge des années précédentes, veuillez vous rendre au bureau de recensement de votre ville pour y recevoir de l'aide et une pièce d'identité correspondant à votre district "

Nous nous mettons en route. Le bureau de recensement n'est même pas dix minutes de marche de là où se trouve notre planque. Anna nous demande de faire un détour, pour aller s'acheter une glace. Après tant de mois enfermé, personne ne refuse et nous changeons de route.

Un autre camion de militaire passe, transportant des gens. On se regarde avec Simon, mais les filles sont déjà loin donc on les rattrape en courant et on continue notre chemin sans mentionner ce camion.

Après quelques heures à vagabonder et savourer notre liberté retrouvée, on se décide enfin à aller au bureau. Mais j'ai un mauvais pressentiment. L'entrain du groupe éloigne ces mauvaises pensées. Je ne sais pas pourquoi mais aucun de nous ne se méfie, après tout ce qui nous est arrivé on espère juste que tout redevienne comme avant, je veux croire en l'avenir et aux humains.

Et bien, j'avais tort, c'était une erreur de venir. Une erreur qui m'a coûté très cher.

Nous sommes arrivés au bureau de recensement sans problème, et une fois devant, nous avons découvert avec étonnement que nous étions dans une ancienne prison. Ma mauvaise impression commençait à se confirmer mais c'était trop tard pour en parler aux autres. Nous sommes entrés et nous nous sommes présentés à l'un des nombreux guichets. Autour de nous, il y avait plusieurs dizaines d'éveillés, ce qui bizarrement, me rendait heureux. Après nous être enregistrés, on nous a redirigé dans une salle.

C'est à ce moment-là que ça a commencé à déraper.

Les filles et les garçons devaient se séparer. Bien entendu, nous n'étions pas d'accord. Nous avons insisté pour rester ensemble mais les gardes ont commencé à devenir menaçant. En temps normal, nous n'aurions eu aucun mal à les maîtriser mais ils avaient les "colliers" et des armes à fléchettes anesthésiantes. Millie nous a alors rassuré et nous avons accepté qu'on se sépare. On se promet de se retrouver après, dans notre refuge. Je croise le regard du garde, et j'y vois que du mépris, mais aussi de la moquerie. Comme s' il pensait qu'on ne se reverrait pas.

J'attrape la main de Simon, et lui chuchote "Je le sens pas, on devrait partir". Il me regarde et secoue la tête négativement "C'est trop tard, on s'est séparé des filles, il faut qu'on attende maintenant, on a plus le choix." Le garde nous indique une nouvelle salle, et nous fait entrer. À l'intérieur se trouve une cinquantaine d'hommes, de tout âge. Avec Simon, on se fraye un chemin et on s'installe par terre dans un coin. Le garde nous a dit qu'on devrait attendre plusieurs minutes, voire une heure ou deux. Mais attendre quoi ? Je fais part de mes inquiétudes à mon adorable mec, et il me rassure. Alors on attend, en parlant de ce qu'on veut faire plus tard, comme nous l'avons déjà fait tant de fois. Je lui reparle de l'école de médecine que je veux intégrer, et lui du café qu'il veut ouvrir. Je finis par m'endormir sur ses genoux pendant qu'il me caresse les cheveux.

"Votre attention s'il vous plaît !"

Je me réveille en sursaut. Je me redresse lentement et regarde autour de moi. Un homme est monté sur l'estrade qui se trouve au devant de la salle. Je regarde Simon qui me sourit en me prenant dans ses bras. Ce geste m'inquiète plus que tout, car il le fait que lorsque que nous sommes en danger, que nous allons nous séparer un moment ou après une grosse dispute. L'homme reprend son discours :

"Pour commencer, merci d'être venu ! Cela nous facilite grandement la tâche, vous avez mes plus profonds remerciements. À partir d'aujourd'hui, vous ne risquez plus de mourir à cause de votre statut d'éveillés, vous allez contribuer aux recherches ! Grâce à votre sacrifice, nous allons en apprendre plus sur les Éveillés et le fonctionnement de votre corps. Nous saurons aussi pourquoi vous avez obtenu des capacités. À partir d'aujourd'hui, vous travaillerez avec nous, dans nos laboratoires !"

Mon visage se liquéfie. J'ai l'impression de tomber de haut. Petit à petit, les gens dans la salle commencent à comprendre ce que cela implique. J'ai du mal à respirer.

On quitte un enfer pour un autre. Je me lève et attrape Simon. Il me regarde. Dans ses yeux, je vois de la terreur mais surtout de la colère et de la tristesse. Il sait et je sais. On va devoir se séparer, on ne reverra pas les filles, on va mourir en devenant des rats de laboratoire. Nous, des gosses de 16 ans qui ont été traqués comme des monstres , alors qu'on n'a rien fait, doivent finir leurs vies dans des laboratoires ?

"On se laissera pas faire !" crie un homme. Un autre enclenche sa capacité et attaque un garde. Un enfant pleure. L'homme de l'estrade sourit. Les gardes commencent à nous encercler. Les fléchettes tranquillisantes commencent à pleuvoir de tous les côtés. Personne ne peut les arrêter, avec leurs armures étranges, qui ont l'air d'être fabriquées pour nous stopper. Le bruit des corps qui tombent et des cris de rage remplit tout l'espace. Un garde s'approche de nous. Je m'interpose devant Simon. C'est le garde de tout à l'heure. Au moment où il allait me mettre un collier, je sens une main me tirer en arrière. D'un coup, je me retrouve au refuge. Oh non. Je le retourne et j'ai juste le temps de voir Simon qui me souffle un "Je t'aime" et son portail se referme.

Je m'écroule en tremblant. J'entends les haut parleurs de la ville annoncer un nouveau message :

"L'ordre D-E2 est lancé, les Éveillés sont maintenant des propriétés de leur district, et doivent venir dans les laboratoires pour faire avancer la recherche.Toute résistance sera valable de peine de mort"

De condamné à cobaye.

Reste ÉveillésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant