Chapitre 5

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Un après-midi sombre, le soleil caché dans des nuages qui n'annoncent ni la pluie ni le beau temps; une rue silencieuse et désertique, et un vent puissant régnait dans le jardin du manoir. C'est tous ce qui restait de la belle matinée de SmallTown . Lilith venait d'entamer son déjeuner, les yeux étant toujours baissés, l'air pâli et désespéré. Elle remarqua que la maison n'a jamais été aussi active avec l'organisation des funérailles, l'arrivée et le traitement des corps (pour ne pas dire cadavres), les appels aux familles des défunts, l'impression et la distribution des faire-parts. Marthe n'a jamais été aussi occupée de toute sa carrière. Son chignon en bataille et les poches qui se sont formées sous ses yeux expliquent bien le manque de sommeil, dû à une nouvelle tout bonnement matinale. Lilith rêvait tellement de se morfondre dans les bras de sa gouvernante. Mais la voyant occupée, elle resta à l'écart.
Elle regarda la table à manger, se rappellant de tout débats et discussions qui avaient eu lieu sur ce modeste meuble. En fin de compte, ces vieux et proches souvenirs ne se renouvèleront plus. Ils resteront à jamais les mêmes, et il n'y en aura plus de nouvels qui s'affirmeront tous les soirs, les dimanches autour de la succulente chair d'une lapine, ou même les samedis soirs. Elle comprit que ce n'était pas les mobiliers ni les bibelots qui formaient les bons moments, mais c'était les personnes de caractères différents, assis autour d'un simple breuvage.
Cette table, elle, restera toujours à sa place, mais elle ne servira plus comme avant.

Les corps des Asplund sont arrivés quelques heures plus tôt. À la vue de ces derniers, Lilith ne put rien dire ni faire, les yeux vide et l'air maussade. Cet arrivage fut accompagné d'un panoplie de personne aux accoutrement noirs total, et répétait tous la même chose: " Toutes mes condoléances."
Ces personnes n'étaient autre que sa famille qu'elle voyait très peu. Ce genre d'événement était une rare chance pour elle de connaître un peu plus ses proches. Il y avait les parents de sa mère, la sœur de son père, le frère aîné de sa mère et trois de ses cousines. Ils la réconfortaient de toutes les manières par sa famille. Mais elle était encore triste et n'en sortait aucun mot.

Le lendemain, les visites continuèrent, mais cette fois, c'était des amis proches, d'autres familles, des collègues et quelques voisins. La nuit fut très difficile pour notre orpheline qui n'a pas réussi à dormir sur ses deux oreilles.

Deuxième jour, toujours aucune larme de sa part. Lilith commença à douter le moment où elle lâchera enfin ses émotions et l'immense douleur qui l'accompagnera. Ce n'est qu'en ce triste lundi qu'elle eut sa révélation.

Lundi le 16 juin
-"À mes parents chéris"
-"Repose en paix ma tendre fille"
-"Pour ma fille et mon gendre"
-"Repose en paix sœurette."

Dans la voiture, en route pour le cimetière familial, Marthe à ses côtés, Lilith regardait le paysage sombre défiler à travers la vitre. Elle se rappela de ces dernières quarante-huit heures. Elle comprit que c'était ici que leur chemin se sépare. C'était fini, elle est dorénavant orpheline. Soudain, une goutte salée glissa le long de sa joue rose, puis une autre, et encore une autre jusqu'à ce qu'une chute toute entière tombe des ses yeux. Elle sanglotait si fort que Marthe la remarqua. Elle ne commenta guère et se contenta de la prendre dans ses bras. Ces larmes étaient comme une délivrance pour Lilith, son cœur se serra et la douleur insupportable.
Arrivé à destination, on installa le tout. Le prêtre fit son rite, suivi des derniers adieux et se termina par l'ensevelissement. Pendant que le Ciel et la Terre pleuraient la mort, Lilith remarqua sa tante Eugénie qui fumait sa pipe de grande marque dans son coin. Moment joyeux ou triste, elle sortait toujours son sale caractère au mauvais moment. Elle évoquait souvent son impertinence lors des moments où elle n'était pas le centre d'intérêt, ou quand la personne qu'elle côtoie n'est pas de bonne humeur. Elle était bien gonflée pour une veuve qui n'a ni époux ni enfants. Avec son décolleté un peu trop voyant, sa pipe et sa longue crinière rousse artificielle, elle chevauchait tous les bars et clubs populaires, chaque soir, après avoir arnaqué tous les simples d'esprit sur son passage. Lilith se demande même si la mort de ses parents, surtout sa mère avait de l'importance pour elle étant donné que c'est sa sœur. Après tout, la tante Eugénie a toujours détesté les enterrements. Elle était allergique aux Lys, elle disait que le noir n'allait pas avec sa morphologie et pensait que la vie était bien trop belle pour faire des funérailles.
Il commençait à se faire tard, chaque famille se dissipait petit à petit. Lilith rentra aussi chez elle suivi de Marthe et des quelques domestiques qui ont aidé. Le trajet du retour fut paisible et silencieux, toutes les deux ne sortirent aucun mot.

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