Prélude à l'Ombre

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Il gazouillait doucement, déjà enfermé dans un berceau aux barreaux d'argent, un berceau qui ressemblait plus à une cage qu'au lit d'un nourrisson, et surtout celui du fils du leader de la communauté. Mais Adonia s'en moquait, elle pouvait glisser sa main entre les barreaux et laisser son petit garçon encore si fragile lui attraper le doigt. Ce petit lien était précieux autant pour elle que pour lui.

Dans cette chambre sans fenêtre, cachée au cœur du palais imposant de l'Imperator, les journées s'écoulaient lentement, marquées uniquement par les visites du maître des lieux et de quatre silhouettes dans son ombre, dont un Détracqueur. Les murs, épais et insonorisés, étaient couverts de riches tapisseries dépeignant les exploits et la gloire de l'Imperator, une tentative de remplir l'espace d'une grandeur que le petit Titus ne pouvait encore comprendre. Adonia avait choisi ce prénom pour rappeler la vraie identité de son père. L'Imperator avait accepté, trouvant que c'était très amusant, tout en jetant un coup d'œil vers un de ses gardes rapprochés, masqués, et silencieux comme les trois autres.

Adonia passait ses journées à jouer avec Titus, lui fredonnant des berceuses d'un autre temps, celles de sa propre enfance, avant que son monde ne soit réduit à cette chambre luxueuse mais prisonnière. Elle utilisait le langage des signes pour communiquer avec lui, une compétence qu'elle avait maîtrisée depuis qu'elle était devenue muette, pour garder les secrets de l'Imperator. Ses mains, agiles et expressives, étaient les messagères de son amour et de son espoir pour un avenir que son cœur refusait de considérer totalement sombre.

Chaque sourire de Titus, chaque éclat de rire innocent, renforçait la détermination d'Adonia. Elle savait que, malgré la surveillance constante et les barrières magiques qui les confinaient, elle devait préserver cette pureté dans l'âme de son fils. Elle lui racontait des histoires de courage et de liberté, des contes où les héros triomphaient du mal non par la force, mais par la ruse et la bonté.

L'enfant grandissait sous ses yeux, s'éveillant à un monde que seule sa mère pouvait lui rendre doux. Adonia observait chaque nouveau geste, chaque nouvelle expression, enregistrant ces moments comme les trésors d'une vie qu'elle craignait de ne pouvoir partager pleinement avec lui. Chaque soir, alors que Titus s'endormait, elle se penchait sur son berceau qui s'était agrandie en même temps que lui, ses lèvres murmurant des prières silencieuses pour la protection de son enfant, des prières qu'elle savait que personne, pas même l'Imperator avec toute sa puissance, ne pouvait entendre.

Mais à mesure que Titus approchait de son cinquième anniversaire, Adonia sentait le poids de leur réalité s'alourdir.L'Imperator attendait le premier acte magique de l'enfant, pour passer à la suite : l'endoctrinement de Titus. Elle savait que bientôt, ils commenceraient à façonner l'esprit de Titus pour en faire l'héritier qu'il désirait : un leader impitoyable et fidèle seulement à la cause de l'Imperator.

Dans l'ombre de cette future réalité, Adonia planifiait. Chaque nuit, lorsque le palais sombrait dans le silence, elle explorait les contours de leurs murs confinants, cherchant une faille, un passage, une échappatoire. Pour Titus, elle était prête à risquer le peu qu'il leur restait – leur liberté, et même leur vie.

Mais l'Imperator finissait par tout savoir dont ce petit incident que Titus avait fait : sortir de son berceau pour rejoindre sa mère en pleine nuit. Il avait ouvert la cage parce qu'il l'avait voulu.

Le bruit des verrous se déverrouillant avait été si léger que même les silhouettes encapuchonnées postées comme des sentinelles dans les coins les plus sombres de la chambre n'avaient rien entendu. Adonia avait retenu son souffle, les yeux grands ouverts dans la pénombre, alors que son petit Titus, avec une détermination qui dépassait son âge, avait rampé hors de son lit-cage puis s'était élevé dans les airs pour se blottir contre elle. C'était la première manifestation de sa magie, une preuve qu'il n'était pas seulement le fils de son père biologique, mais aussi l'héritier d'une force que même l'Imperator ne pouvait pas toujours prévoir ou contrôler.

Invisible III - Titus SnowOù les histoires vivent. Découvrez maintenant