Un festin de regards

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Ainsi, au cours du festin de retour, alors que la Grande Salle de Poudlard bourdonnait d'excitation, les élèves partageant gaiement leurs histoires de vacances, Titus Snow restait un observateur silencieux. Assis à la table de Serpentard, il ne touchait pas à la nourriture, mais observait avec une curiosité intense les divers plats servis à ses camarades. Chaque mets, avec ses couleurs vives et ses arômes alléchants, semblait attirer son regard, soulignant un intérêt marqué pour les aspects de la vie d'où il était cruellement distant.

Harry Potter, placé à la table des professeurs, observait discrètement le jeune Serpentard. Il avait remarqué la complexité du rapport de Titus à la nourriture, devinant que derrière ce comportement se cachait l'influence oppressive de l'Imperator. Harry soupçonnait que la mutité de Titus n'était pas simplement un handicap mais peut-être une conséquence de la peur ou d'une interdiction stricte. Ignorant l'existence du sarcophage et des potions qui enlevaient à Titus le goût, la faim et même la soif, Harry planifiait une intervention bien intentionnée mais risquée.

Le lendemain, après sa classe, il prépara avec soin un plateau de gourmandises diverses : fruits juteux, petits sandwiches, pâtisseries légères et quelques plats exotiques de la cuisine magique. Chaque choix était réfléchi, destiné à éveiller les sens du garçon.

À la fin des cours, Harry invita Titus dans une salle adjacente, utilisée pour les discussions privées. Il déposa le plateau sur une table basse, créant une atmosphère détendue et sans pression.

— J'ai remarqué hier soir ton intérêt pour la nourriture, dit Harry doucement, tentant de naviguer avec prudence. Je me demandais si tu voudrais explorer un peu ces plats. Il n'y a aucune obligation de manger ou de parler, juste une invitation à découvrir, si tu le souhaites.

Titus, face au plateau, semblait partagé entre la curiosité et l'hésitation. Ses yeux se fixèrent sur les aliments, puis il regarda Harry, un soupçon de gratitude mêlée d'incertitude dans son regard. Il ne pouvait pas expliquer les restrictions qui pesaient sur lui, ni même montrer comment chaque soir, des potions effaçaient ses sensations les plus élémentaires.

Comprenant le conflit interne de Titus, Harry ajouta doucement :

— Je suis là pour t'aider, Titus, de la manière qui te convient. Si jamais tu as besoin de quoi que ce soit, ou simplement d'un espace pour être toi-même, n'hésite pas à me le dire.

Titus hocha silencieusement la tête, reconnaissant l'offre bienveillante de son professeur sans pouvoir y répondre verbalement. Il ne toucha pas à la nourriture, mais ses yeux continuaient d'explorer attentivement le plateau, absorbant l'expérience visuelle et olfactive, peut-être la seule manière pour lui d'interagir avec ces mets.

En voyant Titus quitter la salle, Harry se fit la promesse de creuser plus profondément pour comprendre et alléger le fardeau du jeune homme. Son rôle de professeur prenait une nouvelle dimension : celle d'un protecteur, décidé à défendre un élève pris dans les griffes d'un conflit qui dépassait les murs de l'école.

Titus avançait lentement vers la salle commune de Serpentard, sentant le sang couler légèrement de sa narine, une preuve physique des pressions qu'il subissait, même loin du regard de son père. Sa tête lui faisait mal, comme si elle était prise dans un étau, mais un sourire timide s'esquissait sur ses lèvres. C'était un sourire rare, un qui venait du petit triomphe de rester quelques instants supplémentaires devant le plateau que le professeur Henry avait préparé. Ces quelques moments avaient été un rare répit, un instant de rébellion silencieuse contre les contraintes de son existence.

Les couleurs vives des fruits et des pâtisseries, les textures variées des sandwiches, même sans les goûter, avaient éveillé en lui quelque chose qui semblait presque oublié. C'était une échappatoire visuelle et olfactive de la grisaille de sa vie sous le contrôle de l'Imperator. Ce simple acte de regarder, de prendre le temps d'examiner chaque mets, était en soi un acte de défiance, une fissure dans le mur de discipline et d'obéissance qu'il était contraint de maintenir.

Invisible III - Titus SnowOù les histoires vivent. Découvrez maintenant