2006, 2 jour après.
Le soir est déjà tombé pour la deuxième fois quand j'atteinds Mogi Das Cruzes. J'ai marché sur toute la route pour rentrer, trente kilomètres en 19 heures. J'ai erré dans les fossés, luttant pour mettre un pied devant l'autre, ivre de fatigue, de froid, mais surtout de douleur. Mes jambes tremblent et mes joues sont baignées de larmes.
Mais le plus terrible est à venir. Planté comme un piquet devant porte de la maison des Rayos, je ne peux me résoudre à frapper. Je sais que son père ne doit pas s'en faire tant que ça. Il nous arrivait souvent de dormir ailleurs que chez nous sans prévenir. Au bout de plusieurs minutes, je rassemble enfin le courage de toquer. Son père ouvre la porte en souriant, mais il doit remarquer immédiatement mon visage déformé par les sanglots et l'absence de sa fille, parce que les coins de sa bouche retombent platement.
- Neymar, où est ma fille ? il demande tout doucement, comme s'il ne voulait pas réellement avoir ma réponse.
- Je...
Incapable de le formuler, j'éclate en sanglots. Il m'attrape alors par les épaules et me secoue violemment en se mettant à hurler.
- NEYMAR, j'ai dit : OÙ EST MA FILLE !
- Je n'en sais rien Monsieur, je gémis comme un animal blessé. Elle était là, je me suis retourné une seconde à peine, et ils l'ont pris, ils l'ont pris...
Les sanglots font trembler tout mon corps à bout de forces.
- Qui ça, ils ?
- Des hommes, des hommes, je n'ai rien pu faire, j'ai essayé Monsieur, je vous le jure, j'ai essayé...
Je tombe à genoux en hurlant de douleur. Ça fait si mal. Son père se met à pleurer lui aussi et on se serre dans les bras. Il savait ce que je ressentais, ce que je ressens pour sa fille.
Je finis par me dégager et je repars hanter les rues comme un fantôme, titubant, épuisé, mais ne voulant pas dormir. Parce que je sais pertinemment que la scène horrible que je vois danser devant mes paupières ne fera que s'amplifier si j'arrête de marcher. Si je me repose, et que mon esprit se dégage.
Ce que je veux, c'est être trop abruti pour penser. Ne pas avoir la force de réfléchir. Mais la journée, oui, le jour arrive bien trop vite et baigne son absence d'une clarté bien trop réelle à mon goût.
Ça me prend les tripes, comme un coup de poing dans le ventre. Ça me fait tellement mal, comme si mes entrailles avaient décidé de foutre le camp en faisant sentir leur absence par une douleur sourde, fantôme.
L'Après.
J'ai passé 5 jours comme ça. À marcher jusqu'à m'évanouir de fatigue, en mangeant je ne sais trop quoi. Ivre de douleur, de courbatures, du manque de sommeil, et du manque d'elle, surtout.
Je me suis mis à développer toute une panoplie de tics nerveux. J'étais comme mentalement perturbé, ça ne fait aucun doute que si j'avais été dans une famille riche, j'aurais déjà été interné. Je me tordais les mains, me rongeait les ongles, faisait trembler ma jambes, les croisait, les décroisait. Tout était bon pour ne s'attarder une seule seconde sur la réalité. J'étais fou, oui, fou, comme un drogué à qui on retire son ecstasy, un alcoolique qu'on limite à l'eau, j'hurlais qu'on me la rende, qu'on me ramène Leila, ma Leila, parce que non, personne n'avait le droit de me la prendre.9 Mars 2006, 6 jours après.
Alors, comme toujours, je me suis retrouvé sur un terrain de foot. Je tirais des ballons, encore et encore, dans les cages. Je crois que c'est à ce moment que j'ai réellement amélioré mes capacités, mais très honnêtement, ce n'était pas mon souci principal. Je m'appliquais simplement à contenir ma rage dans mes frappes. Cet entraînement intensif a duré deux jours de plus, deux jours de colère si intense que j'en suis venu à frapper seul dans des murs, à me blesser moi-même d'avoir été si bête, de l'avoir laissée partir. Parce que tout était ma faute, je le savais. J'avais foiré, j'avais tout foiré. C'était à moi de la protéger, et j'avais merdé.
Et puis, la tristesse a remplacé cette rage, et je me suis mis à rester dans notre abribus, sous la pluie, comme si le ciel avait calé son humeur sur la mienne. J'étais recroquevillé sur moi-même et je pleurais comme je n'aurais jamais cru possible.
C'est alors, qu'à travers le rideau d'eau, je l'ai vue.
Leila.
J'ai prononcé son nom en me relevant et elle est entrée, montrant son visage. Et le désespoir m'a envahi. Ce n'était pas elle, c'était Lara, sa sœur. Je n'avais même pas pris de ses nouvelles, pourtant elle aussi devait être effondrée. J'étais un sale égoïste. Elle s'est avancée lentement vers moi.
- Leila ne voudrait pas te voir comme ça, Neymar, elle a murmuré.
- Mais Leila n'est plus là, tu le sais, j'ai dit durement.
Pas envie de m'occuper d'elle. Pas envie d'avoir à gérer son chagrin en plus mien. Est-ce qu'aujourd'hui je regrette ce comportement ? Évidement. Mais à l'époque, je n'étais qu'un adolescent boutonneux et stupide, égoïste, qui ne comprend rien à rien. J'aurais dû l'aider. Lui tendre la main, la faire parler, la réconforter. Au lieu de quoi, je n'ai fait que brusquer une enfant qui venait de perdre sa sœur. En réalité, j'imagine que je voulais qu'elle souffre comme moi. Qu'elle ressente la douleur, le trou qui logeait dans ma poitrine, afin qu'elle me comprenne. Je n'en étais pas conscient, bien sûr, mais au fond, c'est ce que je voulais. C'est ce qu'on fait tous. Je crois que quand on est blessé, on finit tous par sortir les griffes. C'était une erreur, ça ne fait pas l'ombre d'un doute ; on en fait tous.
Mais j'imagine que Lara était bien plus résistante que je le pensais, parce qu'elle a insisté :
- Elle ne voudrait pas que tu te mettes dans cet état.
J'ai serré les dents. Et puis, j'ai baissé ma garde. Je l'ai regardée avec mes yeux noyés de larmes, et j'ai dit, en la suppliant presque :
- Et qu'est-ce qu'elle dirait ?
- Elle dirait, elle a commencé, elle dirait, Junior, tu es vraiment un abruti. Tu agis comme si j'étais morte alors que je suis encore là. Tu baisses les bras comme un faible, lève-toi et vis ta vie, je m'en fous. Fais ce que t'as envie de faire, vis pour nous deux. S'il te plaît. Bats-toi. Pour toi. Pour moi.
Ses mots ont pris encore plus de poids avec le silence qui s'était abattu. Je les ai laissé s'éparpiller doucement dans l'air, l'envahir, prendre toute la place.
J'ai enfoui ma tête dans mes genoux. Sa voix lui ressemblait tellement, et elle avait raison. Une larme a roulé sur la joue de Lara tandis que je l'attirais contre moi.
- J'ai mal aussi, tu sais, j'ai avoué. Elle nous manque à tous.
- Tu l'aimais, pas vrai ? elle a bredouillé.
- Je... Oui. Oui, je l'aime. Je l'aime de tout mon cœur, et c'est pas près de s'arrêter...
J'ai gémis de douleur. Ça me faisait physiquement mal, comme si une balle s'était logée dans ma poitrine.
- Comment je vais faire pour vivre avec ça, hein, comment je vais faire ? j'ai crié doucement.
Je l'ai serrée dans mes bras et on a pleuré ensemble. Nous étions seuls, elle nous avait laissé. J'étais perdu, comme un enfant qu'on sépare de ses parents.
Mais le lendemain, son père m'a apporté quelque chose. Une boîte à chaussures, emballée dans un papier décoré de ballons de foot noirs et blancs. Lui était totalement défait : la barbe hirsute, les cheveux fous, les yeux absents, noyés sous le chagrin et, je le soupçonnais déjà, l'alcool. Je l'ai regardé, interdit.
- J'ai trouvé ça dans sa chambre, il avait dit d'un ton plat. Il y a ton nom dessus.
Il a hésité un moment en contemplant le paquet dans ses mains. Je voyais dans son regard qu'il essayait de trouver ses mots, au milieu de son cerveau embrumé.
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L'amour de jeunesse[Leïla&NeymarJr]
FanfictionQui aurait cru qu'un jour on se retrouverai..❤️