Chapitre 12.

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Aujourd'hui, 8 ans après.
Neymar_

Je suis rentré sur le stade de Saõ Paulo, entouré de spectateurs. J'ai l'impression que leurs regards me transpercent et devinent mon chagrin à travers ma peau fatiguée.
Voilà 60 minutes que le match a commencé, et que ce foutu ballon refuse obstinément de rentrer dans les cages, d'un côté comme de l'autre.
Je regarde la cage et je me dis que je ne pourrais pas. Je n'y arriverai pas.
Je ne pourrais pas honorer les promesses que je lui ai faites. Je ne pourrais jamais lui offrir une belle maison, une vie convenable, la sécurité. Je ne pourrais pas vivre à ses côtés, lui donner ce qu'elle veut.
Il y a une unique chose que je peux faire. Lui rendre hommage, et la rendre fière. Elle a parié sa vie sur moi.
Comme je l'avais toujours soupçonné, son apparition quand j'avais 17 ans était une hallucination, d'un garçon perturbé, sûrement. Je n'en sais rien. Il y a trop de choses que je ne m'explique pas. Mais il faut arrêter de ressasser mon passé et me contenter de ce qu'elle a laissé. Un garçon déterminé et qui vit son rêve.
Je regarde la cage et je sais que je peux le faire. Aussi rude que soit ce match, et il l'est, je me dois de marquer pour elle. L'adrénaline se répand dans mes veines tandis que je slalome entre les défenseurs.
Ils ne peuvent pas nous attraper, on est trop rapides. Ils peuvent courir aussi vite qu'ils peuvent. Je décèle une faille dans leur défense, recule mon pied et tire. Dans le mile.Comment cela pourrait-il être autrement ? C'est mon destin, j'ai réussi à accomplir mon plus grand rêve. Mais est-ce que c'était vraiment ça, mon plus grand rêve ? Ou ce que je voulais réellement me paraissait si évident que je n'y avais jamais fait attention, loin de me douter qu'on me l'enlèverait un jour ?
Cela n'a plus d'importance, mon sort reste bien plus brillant que celui de milliers d'enfants nés dans les favelas.
Sourire aux lèvres, je pointe mes doigts vers le ciel pour lui dédier ce point.
Mon regard se pose l'écran géant, sur lequel s'affiche le ralenti de mon but, puis des visages de supporters. Mon sourire s'étire sur mon visage. Mon présent est sublime. Je me dis que j'arriverai à être heureux, ça ne fait aucun doute.
Et c'est alors que je la vois. Ça ne dure qu'une seconde, durant lequel un visage souriant inonde toute la surface de l'écran.
Et c'est comme si j'étais foudroyé vif. Comme si j'avais mis les deux mains dans un générateur électrique.
Je m'arrête net.
Ça dure une seconde à peine, après quoi l'image change, mais ça a suffi pour que je crois la reconnaître.
Alors, j'oublie que je suis sur un terrain de foot. Je me mets à chercher furieusement dans la foule ce visage que je connais si bien. Je n'entends plus le cri des supporters, comme s'il avait été étouffé. Le temps perd toute signification. Je tourne sur moi-même, scrutant chaque spectateur.
Où est-elle ?

Leila.

Je comprends ce qu'il se passe à l'instant même où il lève la tête vers le ciel et que ses yeux rencontrent mon propre visage sur l'écran géant. Aussitôt il s'arrête de courir et tourne sur lui-même, perdu.
Il m'a vue. Il m'a vue. Il sait que je suis là. Il sait que je suis ici pour le revoir.
Mon cœur a un raté tandis que je hurle son nom comme pour que nos regards se rencontrent.
Inutile. Tout le monde le scande en rythme pour le féliciter.
Ney-mar ! Ney-mar ! Ney-mar !
Il se répercute dans tout mon corps et mon cœur se gonfle de fierté tandis que je réalise à quel point il a réalisé son rêve. Je ne peux rien faire pour l'instant. Attendre mon heure, tapie dans l'ombre, jusqu'au moment où je pourrai, enfin, me retrouve en face de lui et agir comme si on ne s'était jamais quittés.
Je me rassois dans mon siège aux côtés d'Enrique et attends patiemment la fin du match. C'est là que je le retrouverai.

Neymar.

Je sens une main se poser sur mon épaule. C'est Oscar.

- Hé, mon pote, ça va ? il demande, inquiet.

J'ouvre la bouche et regarde une nouvelle fois autour de moi. Mes oreilles bourdonnent tandis que j'essaie de bouger. J'ai un vague haut-le-cœur, comme si je venais voir un fantôme tout droit revenu des profondeurs glacées.
Et puis je me dis
Elle est morte.
M-o-r-t-e.
Le genre de mort définitive, tu vois ? Le genre de mort qui détruit les corps, qui fait s'évaporer l'esprit et range les gens au stade de souvenir ? Elle est morte et crois-le ou pas, mais quand les gens sont morts, on ne peut plus les voir, mon petit. Ils ne peuvent pas ressusciter. C'est sûrement quelqu'un qui lui ressemble. Et puis de toute façon, tu ne l'as pas vue depuis 8 ans. Comment peux-tu être si sûr de la reconnaître ?
Leila n'est plus qu'un souvenir.
Assourdissants, les cris heureux des Brésiliens percutent de nouveau mes oreilles, comme si j'avais sorti la tête de l'eau.
Je sors de ma torpeur et arrive même à lui adresser un sourire tremblant.

- Ouais. Ouais, je vais bien, pourquoi ça n'irait pas ?

Ce soir, je te dis adieu, Leila.

Leila.

Je ne peux même pas vous expliquer ce que je ressens en le voyant bouger devant moi, ce que j'éprouve en l'ayant dans mon champ de vision. D'un côté, cela me paraît normal, d'un autre, la joie et l'excitation qui m'inonde n'a rien de banal.
Le match se termine, le Brésil l'emporte.

L'amour de jeunesse[Leïla&NeymarJr]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant