The worst and the best (Joyce)

53 7 43
                                    

Niveau d'angst : 4/10

Joyce effeuillait d'un pouce anxieux la pile de facture gondolée. Il était maintenant presque minuit et demi, et elle n'avait toujours aucune idée de comment ils allaient s'en sortir pour payer tout ce qu'ils devaient.

Quoique, pour une raison qu'elle ne s'expliquait pas, leur situation financière allait vers le mieux en ce moment.

Elle posa ses lunettes à côté d'elle, se frotta les yeux et se leva en soupirant. Elle empoigna la tasse de café vide sur la table et se dirigea vers l'évier. Elle passa machinalement l'éponge à l'intérieur, pensive.

Il était rare qu'elle reste éveillée aussi tard, elle était plutôt du genre couche-tôt, et la fatigue commençait à lui peser. Alors qu'elle reposait la tasse et s'apprêtait à se rendre dans sa chambre, elle entendit un bruit de moteur, suivi du crissement caractéristique des pneus sur le gravier dans l'allée.

Joyce fronça les sourcils, contrariée. Qui pouvait se rendre chez-elle à une heure pareille ?

Lâchant l'éponge sale, elle trottina à sa fenêtre pour observer la voiture. Aussitôt un jet de lumière aveuglant l'aspergea en pleine figure, celui des phares d'une voiture qu'elle reconnaissait bien. La femme plissa les yeux pinça les lèvres.

Qu'est-ce qu'il faisait ici ?

.

L'homme émergea de la voiture en boitillant, l'air hagard. Ses yeux s'égarèrent sur la maison, ébloui par ses propres phares, il en distinguait à peine le contour. Il s'avança à l'aveuglette, puis il rencontra la silhouette de Joyce, adossée contre le pas de sa porte, les bras croisés.

Il tendit les mains en signe de bienveillance et s'exclama jovialement :

-Joyce !

-Lonnie, répondit-elle sèchement sans se décaler pour le laisser rentrer.

L'homme se rapprocha complètement d'elle, puis, constatant que la femme ne faisait pas mine de l'inviter, il se hissa sur la pointe des pieds pour apercevoir l'intérieur. Son sourire tomba et il pointa du doigt la porte ouverte :

-Tu me laisses entrer ?

-Qu'est-ce que tu fais ici ? répliqua Joyce, le regard ténébreux.

Lonnie avala sa salive et répondit d'une voix pâteuse :

-Je rentre et je te raconte tout, c'est bon ?

Il soutint un long regard avec la femme plus petite. Finalement, elle céda à contre-cœur.

-C'est bon, claqua-t-elle en se décalant.

Lonnie se remit à sourire avec satisfaction. Il s'introduit dans la demeure comme s'il était chez lui, écrasant son tapis de ses grosses chaussures sales.

Joyce avait la gorge nouée. Elle n'aurait sans doute pas dû le laisser entrer en fin de compte.

.

A l'exception du bruit cristallin de l'alcool qui éclaboussait les parois du verre, la pièce était baignée dans un silence qui ne semblait pas déranger Lonnie. Au contraire, il reboucha la bouteille avec un sourire comblé et sirota son verre tranquillement.

Joyce fronça les sourcils, de plus en plus méfiante. Même dix ans après, il se souvenait toujours de l'emplacement des bouteilles. Effrayant.

La femme s'exaspérait du bagout avec lequel il osait débarquer chez elle à une heure pareille, piller les maigres fonds qui lui restaient et la laisser languir sans donner plus d'explication. Elle s'agaça :

My little eyeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant