Un pas après l'autre. Tu ne réfléchis pas, tu mets des coups de pieds dans la brume nocturne; te traînant mécaniquement jusqu'à l'appartement que tu te dois d'appeler chez toi.
Un chez toi dont tu agites fébrilement la poignée, dans l'espoir qu'elle te cède.- C'est moi... après un soupir, tu frappes du poing.
Tu as l'habitude qu'on ne te réponde pas. Que la maison ne t'ouvre pas ses bras.
Tu te serres contre la porte, recouvrant tes poignets avec ton pull, cherchant du regard la fenêtre de ta chambre par laquelle tu t'infiltres dans ces moments là.
Mais l'ouverture soudaine de l'entrée te fait basculer en avant. Tu peine à retrouver l'équilibre, manquant de tomber, avant de te faire ressaisir par ta mère qui te tient par l'épaule.
- Encore cette odeur!
Même en essayant d'éviter son regard, tu le sens te fusiller la tempe; un effet que seul ta mère te fait.
Mais au moins, son regard, il t'appartient.
Il te scrute de cette inquiétude assommée de colère. Ses yeux te blessent, mais tu ne peux t'empêcher d'être inconsciemment reconnaissant, d'une fierté égocentrique, de la douleur de ces plaies.Ça n'avait rien à voir avec lui...
Ta tête se lève timidement vers la sienne, affalée sur le canapé, de l'alcool à la main. Tu le détailles, lui et ses cheveux en bataille; son regard qui semble toujours ailleurs, ailleurs que dans les tiens.
Tu sens quelque chose se briser en toi, alors tu détournes le visage. Ton corps s'est activé pour te faire quitter la pièce, le plus vite possible. Tu ne sais jamais quand ses yeux vont virer rouge, tournés sur toi.
Mais ta mère te retiens.
- Hé. Tu restes là.
Tes poumons se braquent d'air, comme pour encaisser les coups qui arrivent, lorsque tu t'arrêtes au son de sa voix.
- Dis bonjour à ton père.
Son autorité compresse tes muscles. Tu ne peux éviter la peur.
Putain...
Sans te tourner de nouveau, tu souffles.
- Bonjour papa.
Mais il ne répond pas.
De toute évidence, la télévision l'intéresse plus que toi.
Ou peut-être qu'il ne t'écoute pas. Peut-être fait-il exprès, car il sait comment ajouter la moindre nouvelle fissure à ton âme qu'il se plaît à détruire.Une lumière rouge sort de tes paupières lorsque tu te précipites jusqu'à ta chambre; tu le détestes.
Ou peut-être est-ce toi, que tu détestes; conscient que pour avoir un père, tu n'es pas assez.La colère incontrôlable ayant pénétrée tes muscles te poussent à rentrer dans un fracas assommant, écrasant violemment la porte contre son cadre, ne sachant où éjecter tout ce qui pourrit en toi. Tu hurles à travers la force de tes bras, la gorge trop effrayée pour y pousser le moindre son.
Mais tu réalises trop tard ton erreur. Tu laisses ton dos se glisser le long du mur, te posant au plus bas, contre le sol sale de ta chambre sans lumière, ni chauffage.
Cela fait combien de temps, qu'on doit changer cette ampoule? Se demande ton esprit vide, se protégeant progressivement sous une carapace de glace alors que tu entends ses pieds, secouant volontairement le sol sous les tiens, pour crier lui aussi, silencieusement, une rage à défouler.
Il s'avance dangereusement jusqu'à ta chambre, et tu sais ce qui va arriver.
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Le rouge
Short StoryTu te hais si fort. Ton corps s'alourdit, chacun de tes pas t'éloignent de plus en plus d'elle. Tu ne veux plus avancer, pourquoi avancer ? Pourquoi, sans sa présence à tes côtés? Tu pourrais faire demi-tour, tambouriner à sa porte dans l'espoir q...