Le rouge

Vingt-troisième fragment

Tu te noies dans sa chaleur, dans le son de sa voix qui chante à chacun de tes gestes.
Tes mains parcourent les moindres lignes de son corps que tu as su chérir jour après jour comme s'il s'agissait d'un don céleste.
Elle t'emprisonne d'autant plus entre ses jambes, et tu gémis doucement toi aussi; ses mains parcourent ton visage sombre, tes bras tachetés, ton dos griffé, déchiré,

comme le jour où il t'as ouvert en deux. Brisé.

   – Kyle...

Non, je t'en prie. Je t'en prie, ne pose pas la question.

   – Kyle, qui t'as fais ça?

Tu te redresse immédiatement pour mettre fin à l'acte.

   – Kyle.
   – Laisse-moi. S'il te plait.
   – Kyle je t'en prie...

Ses doigts se glissent de nouveau le long de tes cicatrices, devenues blanches et insensibles.

   – Je sais que tu ne m'as pas trompé, si tu te poses la question. Ce serait absurde de ma part, et puis...elles ont l'air trop anciennes pour ça.

Tu t'agites, comme pour lui faire signe d'ôter ses mains de ton dos; chaque contact était devenu aussi douloureux qu'une brûlure pour ton âme en peine.
Ses cils blancs clignent gracieusement lorsqu'elle te voit agiter tes mains, comme lorsque tu le fais quand tu as envie de fumer.
Cela faisait plusieurs mois que tu t'étais efforcé d'être sobre. Pour elle.

   – Mais tu ne me confies jamais rien...Tu pars, tu reviens, comme si de rien n'était...

Tu finis par te lever, par saisir quelques vêtements sous ton bras et te diriger vers la porte de la chambre.
Son corps se tend vers le tiens, comme pour te rattraper, même si elle sait qu'elle n'y parviendra jamais.

   – Qu'est-ce que je dois faire pour que tu me parles, Kyle?...
   – Je t'aime.

Ces mots, qui enflamment tes joues et ta cage thoracique; c'était la première fois que tu les prononces à quelqu'un.

   – Je t'aime. insistes-tu. Juste...Ne doute jamais de ça, d'accord?

Pour une fois, ce qui sortait de ta bouche n'était ni une excuse, ni un mensonge.
C'était la seule vérité qu'à ce jour, tu étais prêt à lui offrir.