Douzième fragment

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Tu es affalé sur une chaise, détendu par les doigts fins qui viennent tirer délicatement tes cheveux mouillés. Lorsque tu ouvres les yeux, tu admires les longues mèches dorées qui viennent adoucir ton reflet. Cette couleur rend curieuse ta peau métisse et tes yeux noirs; tu apprécies ce côté unique qui vient embellir ton apparence. La femme derrière toi t'admire de la même manière; tu te délectes de la douceur de son regard avant qu'elle ne vienne embrasser ta pommette sombre. Un léger sourire, satisfait, étire les commissures de tes lèvres.

   – Tu aimes? demande-t-elle.
   – Oui, c'est magnifique. tu hoches la tête. Parfaitement ce que je souhaitais.

Son sourire imite le tien, avant qu'elle ne s'éloigne afin d'aller saisir de quoi sécher ta longue crinière.

   – Est-ce que tu peux me les lisser, aussi?

Tu aimes la sensation de ces longues lignes plates qui viennent couler sur tes épaules.

   – Euh...Oui, bien sur.

Entre tes doigts, tu va y glisser un joint qui gisait sur la commode, encore fumant. Après y avoir pris une bouffée, histoire d'éloigner d'avantage certains souvenirs au fond de ta mémoire, tu le lui tends alors qu'elle se hisse derrière toi.
Tu l'admires alors qu'elle se remplit de toxine à son tour. Vous vous étiez rencontrées près du bar, comme tu rencontres la plupart des femmes qui finissent par t'inviter dans leurs draps. Ses cheveux courts et colorés avaient attiré ton attention sous les réverbères de la ruelle; elle ressemblait à un univers à elle seule, les couleurs sur sa tête rappelant la moindre nuance du cosmos.
Elle te fait penser au ciel nocturne, le seul sous lequel tu te sens en paix. La regarder enlace ton âme d'une sensation douce, comme une nuit fraîche d'hiver où le givre saupoudre le toit des maisonnées.

   – Pourquoi tu souhaites tant changer? finit-elle par demander après avoir reposé le joint dans le cendrier. Non pas que je sois contre ça, tu me connais. Mais, les cheveux bruns et bouclés que tu portais lorsqu'on s'est rencontrés, ils risquent de me manquer.
   – Tu vas t'en remettre. le ton de ta voix était cynique.

Elle soupire avec un sourire avant d'allumer le sèche-cheveux. La chaleur se répand doucement contre tes racines, l'arrière de ta nuque et ton dos, alors qu'elle étire doucement tes cheveux avec une brosse ronde. Tu fermes les yeux, toi qui t'es toujours senti si froid à l'intérieur. Est-ce cette sensation ou l'effet de l'herbe qui détend tes muscles endoloris peu à peu?

   – Je ne veux plus ressembler à mon père... tu souffles, ton regard se posant sur le plafond, s'y noyant comme dans un lac de souffre.

La femme s'attriste à ton regard vague, silencieuse. Ses gestes sur toi se font d'autant plus doux; d'une manière que tu ne savait possible, elle qui était de la plus grande tendresse lorsque vous aviez
fait l'amour.

   – Et tu penses qu'une simple coiffure va t'y aider? elle pensait assouplir l'atmosphère d'un ton léger.

Après une heure à peu près, la nuit commençait à tomber. Tu te lèves, tes cheveux allongés de plusieurs centimètres jusqu'au milieu de ton dos. Ton amante te regarde de manière ravissante et tu t'admires à travers ses yeux.
Ce renouveau, tu y croyais naïvement, du plus profond de ton âme. Tu avait décidé de ne plus laisser la vie t'écraser, les yeux de ton père t'échapper et t'emprisonner dans
un étau.

   – Tu peux garder le joint, si tu veux..

Mais sans que tu ne puisses finir ta phrase, elle s'était avancé contre toi pour t'embrasser avec la délicatesse de ses lèvres pâles. Tu l'enlaces, te blottis contre la chaleur de son derme, faufilant tes
doigts sur sa tête dans lesquels quelques cheveux s'emmêlent.
Cette douceur était l'une des nombreuses drogues dont tu ne saurais te lasser. Tes dextres se laissent porter le long de sa nuque, puis de la courbure gracile de son dos. Tu tentes de faire perdurer ce moment le plus longtemps possible, mais la femme te coupe de nouveau, fiévreusement.

   – Je t'aime...

La peur.

Elle est revenue, avec son manteau de glace, recouvrir ton corps et crisper tes muscles alors qu'elle continuait à embrasser ton visage devenu paralysé. Il lui fallu quelques temps avant d’émerger de son état langoureux afin d'apercevoir tes yeux perdus et de s'en inquiéter.

Réveillé par son attention, tu finis par t'extirper de l'étreinte et par saisir ton manteau.

   – Kyle?
   – Désolé, je dois y aller. Je viens de me souvenir...
   – Tu...Tu ne veux pas boire quelque chose?
   – Non, ça ira. Je suis vraiment pressé.

Tu commences à t'habiller mais elle te saisit le bras. Tu essaies de rejoindre son regard sans pouvoir.

   – On se voit demain? son sourire te peinait, au fond de ton cœur.
   – Pourquoi pas.

Mais tu as toujours été, et restera toujours, un bon menteur.

Le rougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant