Dix-septième fragment

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   – Chéri, je suis rentré...

Tels étaient les premiers mots prononcés par Wolfgang, après avoir déverrouillé la porte d'entrée.
Épuisé, il s’essuie sur le tapis présent sous ses pieds et laisse tomber de son épaule son sac à dos, qu'il abandonne non loin d'un porte manteau. Son premier réflexe fut de chercher la présence longiligne de son amant dans les pièces adjacentes, mais Wolf ne se fit accueillir que par le son du téléviseur encore allumé, intensifiant une absence glaçante.

Il ouvre, portes après portes.

Rien.

Jusqu'à arriver devant son fameux bureau, son QG, qu'il laisse d'ordinaire fermé à clé.
Le garçon toque, par respect pour son aîné mais aussi son supérieur. Mais personne ne semble occuper la pièce à l'odeur de tabac.

Il rentre. Ce désordre qui ne ressemble pas à Kennedy; les tiroirs et les étagères ouvertes, commencent à lui faire présager au pire.

Une boule se tasse au fond de sa gorge lorsqu'il s'approche du bureau. C'était comme s'il avait été pillé, mais quelque chose en particulier attire son attention; une enveloppe, posée sur son fauteuil de
travail en biais. Elle n'était plus scellée et le papier semblait avoir été légèrement froissé.
Wolfgang savait que s’immiscer dans l'intimité de son aimé était une mauvaise idée. Son cœur accélérait lorsqu'il pensait à la dernière fois qu'il s'y été adonné; mais ici, son inquiétude pour Kennedy avait aveuglé le reste de ses sens.
Ça, et peut-être autre chose; peut-être une curiosité malsaine, causée par son manque de confiance en cet homme soigneusement enterré depuis ces derniers mois, ses dernières excuses.

Wolfgang déplie la lettre, et commence à en lire les premiers mots. Il n'y avait aucune formalité, ni politesse à laquelle on pouvait s'attendre dans un courrier de ce genre.

Je vais te tuer.

Voilà comment commençait la lettre.
Une nausée commençait à s'emparer de lui lorsqu'il continua sa lecture;

Je sais ce que tu as fait à ma femme. Je sais que ce n'est pas mon enfant. Elle m'a tout dit, et cette lettre signe ton arrêt de mort.
Je vais te buter. Toi, et tout ceux qui ont le moindre lien avec ton gang.
Je vais t’étriper, toi, et ton putain de fils.

Quelle horreur.

C'est pas possible.

Les mains tremblantes de Wolfgang se ruèrent sur son téléphone portable.

Il tombe d'abord sur un faux numéro, ne pouvant aligner les chiffres correctement dans son état de panique. Il réessaie.

Putain Kennedy, t'es où? T'es où?

   – ...Allô?
   – Kennedy?!
   – ...

Il y eut un silence, durant lequel la personne au bout du fil sembla communiquer avec quelqu'un d'autre. Un silence assez long pour que Wolf réalise que ce n'était absolument pas la voix de celui
qu'il souhaitait appeler qui avait répondu.

Ses jambes vacillèrent; Wolfgang tomba sur le siège juste derrière lui, l'envie de pleurer au fond des tripes, mais trop enfouie. Dans cet état second, il se demandait si tout ceci était réel. Il avait ce maigre, futile espoir d'une mise en scène.
Mais le milieu dans lequel il prospérait depuis tout ce temps était cruel. Il fallait qu'il le constate un jour, de la pire des manières.

   – Tu es Wolfgang, c'est bien ça?

L'apostrophé ne pipa mot.

   – Tu es chez lui, j'imagine. ajouta finalement la personne au téléphone.

Les lèvres tremblantes, Wolfgang finit par demander si ton petit-ami était encore vivant, puis il supplia;

   – S'il vous plait. Ne me faites pas de mal, j'ai des frères.
   – Viens me voir à la tombée de la nuit.
On va trouver un arrangement.

Le rougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant