Quinzième fragment

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Ta mère n'avait même pas allumé la radio du véhicule, comme si elle souhaitait délibérément que l'ambiance y soit pesante.
Tu déverrouillais et reverrouillais ton téléphone en boucle, ne sachant comment te distraire de la honte qui paralysait ton visage.

Tu détestais son silence.

Elle conduisait calmement jusqu'à l'appartement où t'attendait ta potence. Elle savait que ce n'était pas à elle de s'en charger, bien que tu l'aurais préféré. Non, dans son cas, sa simple ignorance était amplement suffisante.
Des tonnes de questions te torturaient; tu étais pourtant sûr que ce que tu avais fait était hautement réprimandable mais son manque de réaction te laissais le bénéfice du doute. Était-ce du mépris? Un mépris si puissant qu'elle n'osait plus poser les yeux sur toi, depuis que le proviseur lui avait
annoncé ce que tu as fait.

Vous rentrez tous les deux à la maison avec du retard pour le dîner. Il vous attend, aux côtés de ta sœur, tous les deux attablés autour d'un souper qui commençait progressivement à refroidir.

Tes deux parents s'échangent un regard avant que ton père ne se serve lentement un verre de vin.

Vous ôtez vos manteaux et commencez à vous installer à table.

   – Non, pas toi.

Il n'y avait aucun indice qui indiquait que cette injonction t'était destinée, mais tu le devinais. Ta mère et ta sœur te regardent avec malaise pendant que tu te relevais de ta chaise, n'étant visiblement pas la bienvenue à table.

   – C'est encore pour de la drogue?
   – Non-
   – Je parle à ta mère.

Tu regardes ta petite sœur avec détresse, elle qui a témoignée de la scène à l'amphithéâtre auparavant. Elle baisse les yeux, visiblement effrayée par les événements qui l'entouraient.

   – C'est encore pour de la drogue, ou il a causé des troubles?
   – J'ai rien fait papa. Je te le promet! C'est-

Avant même que tu ne le réalises, une douleur aiguë s'éclate contre ta joue.

   – Ce n'est pas à toi que je parles!

Il te regarde te couvrir le visage avec des yeux rouges, glaçants de colère. Ta gorge se mit à se serrer assez pour qu'aucun autre son ne puisse sortir, tel qu'il l'attendait.

   – Tu n'as toujours été qu'un sale menteur! Bordel, tu nous fais honte! il se mit à hurler. Est-ce que tu penses à l'exemple que tu donnes à ta petite sœur?!

Lorsqu'elle se retrouve pointée du doigts, Shirley se tasse encore plus dans sa chaise avec détresse.
Tu ne sais même pas ce qu'il s'est passé... Tes poings se serrent sans que tu t'en rendes compte.

Un instant s'écoule avant qu'il ne lâche un soupir, et s'assoit de nouveau. Tu le regardes, sans réellement savoir s'il s'agit de la fin de ton cauchemar, avant qu'il ne prenne de nouveau la parole.

   – Casse-toi.

Tu restes planté là, le fixant avec amertume pendant qu'il descend en une seule fois son verre de vin blanc.
«Casse-toi». Aujourd'hui encore, tu n'auras pas le droit de manger.
«Casse-toi.». Ne t'en fais pas papa, je suis déjà cassé.

Tu finis par quitter quelque peu hâtivement le salon avant qu'il ne se répète plus vigoureusement, comme ce serait son genre de le faire.
Dans ces moments là, où l'émotion t'abîme le coeur, tu sais où aller.

Le rougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant