2

10 0 0
                                    




Le soleil se leva, projetant ses rayons dorés à travers les fenêtres et me réveilla malgré mon envie de continuer à dormir. Hier ne m'a vraiment pas réussi ; mes mains sont enflées alors qu'elles sont habituellement fines, et mes cernes gonflées témoignent de ma nuit agitée. Un mal de tête atroce me lance.

— Neyla, viens manger, je te prie ! appela ma grand-mère, épuisée par mes escapades nocturnes.

— J'arrive, j'arrive !

Je ramassai mes cheveux en un chignon désordonné et enfilai une robe de lin blanche avec un corset en cuir marron. Je dévalai ensuite l'escalier en chêne, la tête encore embrumée.

— Vu ta tête, je parierais dix mille écus que tu t'es encore échappée cette nuit, lança ma grand-mère en ricanant, bien que ses yeux trahissent une inquiétude réelle.

— Désolée, je m'entraînais pour Yirlir. Même si j'ai été acceptée, je dois continuer à donner le meilleur de moi-même.

— Tu es déjà parfaite, je peux te le jurer, dit-elle en déposant un baiser sur mon front, un sourire tendre aux lèvres.

Heureusement qu'elle est là, même si ses baisers ne suffiront pas pour intégrer les "Emeraudes". Mon cœur tambourine rien qu'en pensant à Yirlir. Tant de nouvelles personnes à rencontrer, mais le problème n'est pas la nouveauté, c'est le mépris de ces foutus bourgeois là-bas.

Non seulement la hiérarchie est omniprésente, mais elle règne même parmi les nobles ! Mes parents sont assez haut placés dans l'échelle sociale... Mais, avoue-le Neyla ! Tu n'es même pas considéré comme leur fille par la société. Ils ont honte de toi !

Je serai donc perçue comme la roturière campagnarde qui, par un coup de chance, a réussi à intégrer Yirlir. Mais si j'arrive à rejoindre les "Émeraudes", je pourrai enfin me faire respecter et atteindre la haute sphère. Être fière de moi, plus que jamais. Avoir un titre, être reconnue.

Mais je le sais, moi, Neyla Delgrade... Je sais que ce chemin sera semé d'embûches, de vipères, d'hypocrites et surtout de ronces. Mon cœur se serre en pensant à toutes les atrocités qui pourraient m'arriver, mais je dois garder la tête haute. Je suis douée à l'épée, intelligente et-
Arrête de te mentir, tu n'as encore rien accompli, alors pourquoi es-tu si fière de toi ?

Je ne peux plus supporter cette voix intérieure. Reprends-toi, Neyla.

— Je reviens, grand-mère !

Une fois de plus, je m'enfonçai dans les bois pour défouler ma haine et ma rancœur. Celle qui me ronge depuis des années, depuis mon enfance. Je frappai, encore et encore, jusqu'à ce que mes mains saignent. Elles étaient couvertes de sang, et le soleil prenait la même teinte que mes blessures.

— Je dois rentrer... Mamie va s'inquiéter.

— Déjà ? Je m'amusais bien pourtant, fit une voix derrière moi.

Un grand rouquin aux yeux verts se tenait là : c'était Liam, mon ami d'enfance et compagnon d'armes.

Je me précipitai vers lui, manquant de tomber plusieurs fois.

— Liam, tu es là ! m'écriai-je en l'enlaçant si fort qu'il lâcha des injures sans que je ne m'en rende compte.

— Tu m'étouffes, ma vieille !

Je souris bêtement. Le revoir me rappelait tous les bons moments passés avec lui et Lisa.

— Liam, je t'aime bien, mais il faut que je rentre. Tu as donc deux choix : manger le ragoût de ma grand-mère et rester chez nous, ou rentrer chez toi !

— Je choisis bien évidemment la deuxième option, ma vieille ! répondit-il en riant.

Je ris aussi, heureuse de retrouver un peu de légèreté malgré les épreuves qui m'attendent.

Mon cœur se serrait rien qu'en pensant au fait de laisser Liam, Lisa et grand-mère. Ce sont mes seuls repères dans ce monde de merde. Je ne saurais quoi faire sans eux. Je suis consciente de mes capacités, certes, mais je me sentirais seule. Personne ne me parlera ou ne m'accordera ne serait-ce qu'un regard. Toutefois, je reste une femme avec des principes et des valeurs. Je garderai la tête haute !

Liam me regardait avec un sourire amusé :

— Tu viens de sourire comme une débile, à quoi tu penses ?

J'avais failli oublier que je ne lui avais même pas parlé de mon admission à Yirlir !

— Tu verras chez mamie ! déclarai-je en le prenant par le bras vers le chalet.

Arrivés chez mamie, Liam et moi prenons place à table ; grand-mère nous a préparé un rôti de poulet aux olives ! Mes papilles sont en extase rien qu'en imaginant la sensation de ce rôti dans ma bouche... J'en bave sérieusement ; sa nourriture va me manquer, ça c'est sûr.

— Alors, Liam, tu es au courant pour Yirlir ? dit ma grand-mère en posant les couverts.

— Yirlir ? Pourquoi ?

Ma grand-mère s'apprêtait à parler lorsque je lui coupai la parole :

— Je suis admise, Liam ! Liam écarquilla les yeux et me regarda avec surprise.

— Yirlir-Yirlir ? L'école de nos rêves ?

— Eh ouais, je l'ai fait !

— Je regrette de ne pas avoir passé le concours maintenant... D'ailleurs, Lisa est au courant ?

Lisa... C'est vrai. Je n'ai pas eu le temps de lui dire. Lisa est très différente de son frère Liam. Elle réagira sûrement mal, elle verra ça comme un abandon. Elle me dirait des phrases du genre : "Mais pourquoi ? On est des femmes, on a juste à marier des hommes riches, pourquoi tu te casses la tête ?" Elle n'a pas du tout les mêmes notions que moi ou son frère par rapport aux passions. Ma passion est l'épée, les arts martiaux, la musique, la peinture ! Elle, cependant, n'en a pas. Elle agit sur les bases de la société : jouer aux poupées, essayer de nouvelles robes, chercher un prétendant et broder. Elle ne cherche pas plus loin. Pourtant, je l'apprécie quand même.

— Non... Tu le sais bien, dis-je en lâchant un soupir.

— J'espère que ça ne la brusquera pas.

Nous nous regardâmes dans les yeux pendant un instant.

— Tu me manqueras aussi, tu sais. Il souriait, mais ses mains trahissaient ses véritables sentiments ; il était anxieux.

— Ne t'inquiète pas, je reviendrai de temps en temps, puis j'écrirai des lettres à vous deux ! Je lui ai attrapé la main pour le rassurer. Il avait le regard triste.

Quel plaie.

Nous mangeâmes au milieu des rires émis par nous tous et nos anecdotes.

— D'ailleurs, quand m'accorderas-tu un duel, ma chère ?

— Un jour avant mon départ, ça te va ?

— Parfait, je serai prêt.

Le soleil s'était complètement endormi et il était temps pour nous de faire de même. Liam est rentré chez lui et mamie et moi montâmes toutes les deux dans nos chambres respectives.

Two swordsWhere stories live. Discover now