"Un duel symbolique."

Ce matin n'est pas différent des autres, pourtant il l'est. Enfin pour moi ; je vais quitter ma chère campagne, ces doux paysages, ces souvenirs d'enfance et mes proches. Un sourire maussade s'installe sur mon visage, avec un arrière-goût amer. Mon cœur se serre : vais-je regretter de quitter mon cocon ?

Non, Neyla ! C'est pour le meilleur, on va à Yirlir. Reprends-toi bon sang ! Mon sang n'a fait qu'un tour lorsque ma grand-mère entra sans prévenir dans ma chambre. Ma valise posée sur mon lit, remplie de lettres, de photos, de fleurs et de quelques habits qui dépassent. Sans m'en rendre compte, une larme a coulé ; lorsqu'elle a totalement glissé, celle-ci m'a frappée comme une gifle que ma grand-mère me donnait lorsque je faisais une bêtise. Je mis ma main rapidement sur ma joue pour effacer le passage de la larme.

— Neyla... Viens dans mes bras. Elle me serra si fort que j'avais l'impression que mon sang n'allait plus circuler. Elle balaya rapidement la pièce du regard, y compris ma valise. Elle la pointa du doigt :

— Tu n'as mis que quelques habits ? Tu as perdu la tête ?

— Mais...

Elle prit ma main entre les siennes. J'ai peur de ce qu'elle va dire, même si ce n'est qu'un simple détail ; je pense qu'elle accentuera mes inquiétudes.

— Écoute, je ne t'en ai jamais parlé mais il y a une conduite à avoir devant les gens de la société, les gens comme tes parents. Tu as déjà appris l'étiquette grâce à moi, mais je n'ai pas voulu pousser les choses plus loin. Tu seras sûrement mal vue par les autres et méprisée, mais tu dois au moins rentrer dans leurs "codes". Je leur demanderai de t'acheter des robes dignes de ce nom.

J'en étais sûre, mon cœur se resserre encore.

Je souris face aux "remarques" de ma grand-mère.

— Bien entendu. Je t'aime. Je la serrai contre moi à mon tour. Elle va me manquer, terriblement. Nous discutâmes pendant un moment jusqu'à ce que je remarque quelque chose. Elle tenait un objet dans ses mains.

— Qu'est-ce que c'est ?

— Tiens, c'est une lettre que je t'ai écrite. Lis-la seulement si tu en as besoin, et si je te manque terriblement !

— Parfait ! Je lui déposai un baiser sur le front et pris mon épée et mon équipement afin de rencontrer Liam et lui donner son duel !

Notre duel. Je m'enfonçai dans la forêt puis le rejoignis au même endroit que d'habitude. Ça me fait du mal de me dire que je ne retournerai plus ici pour un bon moment : les branches ornées de fleurs, le bruit des oiseaux et la rivière. Tout ce paysage va me manquer, je me sens nostalgique. Trop occupée par mes pensées, j'avais presque oublié que j'étais arrivée à destination. Je me tiens désormais devant Liam.

— Tu as tenu ta parole ! Prépare-toi à perdre, ma vieille.

— On verra ça !

Nous sortîmes nos lames de nos fourreaux et nous mîmes à nous "battre". Nos visages affichaient tous deux des sourires sincères, chaque coup d'épée était plus intense que l'autre.

Le soleil rayonnait plus que d'habitude, sous mon équipement je commençais à étouffer. Liam l'a remarqué et compte en profiter. Je me sens faible, il faut que j'écourte le duel.

Alors que Liam essayait de me désarmer, je feignis d'être à terre. Liam se sentait plus à l'aise et a baissé sa garde. Je rebondis d'un coup en lui donnant un coup de pied pour le déséquilibrer et le mettre à terre.

— Vaincu, Liam ! dis-je en plantant ma lame dans l'herbe près de sa tête.

— Tu es faite pour Yirlir. Il sourit puis me prit dans ses bras.

— C'est la dernière fois avant tant de mois ?

— Je crois bien. Mon cœur se serre face à ma déclaration.

— Ne m'oublie pas, je te prie.

Liam, tu vas me faire pleurer, connard.

— Je te le jure.

La pluie s'est soudainement abattue sur nous. Nous nous mîmes à courir ensemble, main dans la main, pour nous réfugier quelque part.

Nous trouvâmes une grotte puis nous nous sommes assis.

— T'as hâte d'y aller ?

— Pas vraiment, tu sais. Je serai entourée de bourges méprisants qui ne pensent qu'à eux.

Liam a laissé un silence peser ; ce silence parlait à sa place : il a peur pour moi.

— Ne te laisse pas faire, même si je n'en doute pas.

Demain est le jour où une calèche m'emmènera à l'endroit de mes rêves, mais surtout loin de mes proches. Mais tu seras proche de maman et papa, non ? N'es-tu pas contente ? Ingrate. Face à cette stupide pensée, j'ai enfoncé mes ongles dans le creux de ma main ; me voilà stressée, encore.

— Tu sais, Lisa s'était fait des amis nobles il n'y a pas longtemps, dit-il d'une voix inquiète.

— C'est-à-dire ?

— Elle est partie en ville sans que ma mère ne l'autorise. Elle a rencontré des nobles là-bas, mais elle a eu le culot de s'inventer un titre pour pouvoir leur parler. En déclarant ses dernières paroles, il lança un caillou sur un arbre.

— Ça ne lui ressemble pas. Qu'est-ce qu'il s'est passé ensuite ?

— Ils font ces genres de "goûters", et bien figure-toi que Lisa a réussi à y aller.

Ce genre de "goûter" n'est que des prétextes pour montrer aux autres nobles leur richesse : les épices venant d'autres continents, des nouvelles tenues, leur demeure et leurs jardins au passage.

— Puis ils ont découvert son identité, qu'elle n'était qu'une "roturière". Liam cracha le mot roturière, je ne l'ai jamais vu aussi frustré.

— Putain...

À mon humble avis, ils ont dû se moquer d'elle, ces foutus nobles se croient tout permis !

Je les déteste, je les déteste.
Je les déteste, je les déteste.
Je les déteste, je les déteste.
Je les déteste, je les déteste.
Je les déteste, je les déteste.
Je les déteste, je les déteste.
Je les déteste, je les déteste.
Je les déteste, je les déteste.

Tu les hais parce que tes parents t'ont reniée à cause d'eux, pas vrai ? Mais si tu détestes les nobles, tu hais aussi tes parents, pas vrai ?
C'est pas vrai. Reprends-toi Neyla, tu n'es pas seule ! Liam est à côté de toi, ce n'est pas le moment de flancher.

— Ils ont coupé les cheveux à Lisa, ils lui ont lancé des injures sans nom, ils l'ont humiliée, Neyla ! Humiliée... Elle est revenue en pleurs. Et je n'ai rien pu faire... Il passa sa main dans ses cheveux, les larmes aux yeux.

Ceci m'explique donc son absence : elle ne parlait plus, ne mangeait plus, ne sortait plus, et surtout elle ne répondait plus à mes lettres. Je pensais que c'était personnel mais il semblerait que Lisa était en dépression.

— Ce n'est pas de ta faute, Liam, ce sont des connards.

— Je m'inquiète pour toi, et s'ils te faisaient la même chose ? Il avait la voix tremblante.

— Je peux me défendre, moi ! Ne t'inquiète pas pour moi et veille sur Lisa et ma grand-mère. Je passai ma main derrière son dos afin de le rassurer. Il me sourit en réponse.

Two swordsWhere stories live. Discover now