Chp2 - L'automne devant nous - 18 de Douce Vie, 1492.

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Souvent il est éveillé quand j'ouvre les yeux et que le soleil traîne toujours au dehors.

Je ne dors pas, pas selon le sens commun des humains. Je ne sais pas qui vous êtes, mais moi, lui, nous faisons partie des peuples Elfes. Jeunes, nous traversons notre passé et les pensées de nos autres vies; plus tard nous reposons notre esprit et notre corps, mais nous sommes toujours sur le fil entre la veille et le songe. Nous nommons cet état la transe. Astarion et moi avons un point commun, notre transe est amputée des souvenirs que nous avons perdus, pour des raisons différentes qui auront abouti à un résultat similaire. Peu à peu nos repos s'apaisent, chaque nouvelle journée de paix reste gravée dans nos mémoires et nourrit nos esprits blessés.

Souvent donc il est déjà éveillé, perdu dans l'étude d'un livre ou simplement allongé à mon côté, à ne rien faire d'autre qu'être libre. Aujourd'hui il parcourait un des nombreux parchemins rangés ça et là dans notre chambre. Les druides du bosquet d'émeraude nous hébergent depuis deux nuits, que nous soyons au plus près du lieu de rendez-vous pour les retrouvailles de la veille. Voyager en compagnie d'un vampire impose de ne pas se faire surprendre à découvert par l'aube. Le soleil couché, nous partirons.

Alors je vous arrête tout de suite, défroissez vos sourcils, Astarion n'est pas, techniquement parlant un « vrai » vampire, il est un « rejeton ». Comme il me l'a lui-même dit un jour, il ne possède qu'une partie des pouvoirs d'un seigneur immortel, mais tous les inconvénients. Stricto sensus, il est donc un rejeton vampire, pas un vampire. Cela étant fixé, vous me pardonnerez de synthétiser sa condition en le nommant tout de même vampire à l'occasion.

Le doute étant clarifié, reprenons.

Durant ces six derniers mois nous avons voyagé pas à pas. Les premières semaines nous avons profité de nos écus dans une superbe pension des environs d'Elturel. Les longues journées d'été n'étant pas les plus confortables pour Astarion.

Ce n'est qu'une fois le solstice d'été passé que nous avons commencé à découvrir de nouveaux horizons en nous aventurant dans les citées alentour au nord, pour finalement revenir où tout avait commencé, conviés comme tous les autres à ces retrouvailles imprévues.

Cette soirée aura été délicieuse. Je fus sincèrement ravie de les revoir, mais rien ne m'apaise plus que de faire courir mes doigts dans tes boucles argentées.

Maintenant que les jours sont plus frêles nous allons en profiter pour descendre dans les terres au sud, vers Elturgard et l'ouest d'Amn. Je ne t'en ai rien dit, peu m'importe où nous allons. Je me réjouis simplement de te voir si enthousiaste. Chaque jour passe et la paix te sied à merveille. Figurez-vous que cette vie, en sécurité l'un avec l'autre, est parfaitement inédite pour nous deux.

Avant de nous mettre en route pour rallier le bosquet nous avons empoché une belle prime en nettoyant d'une invasion de kobolds les catacombes d'un riche cloître. N'ayez crainte, les bestioles étaient nombreuses, suffisamment pour inciter les religieux à proposer une forte récompense, mais pas assez pour nous inquiéter un instant.

— Tyr vous bénisse mes enfants, avait souri le moine en me remettant la bourse chargée d'or.

— Oui, on va faire ça, avais-tu murmuré moqueur dans mon dos.

Le vieil homme levait un sourcil, « Comment? »

— Ce fut un plaisir de vous venir en aide mon père, avais-je dis afin de récupérer son attention. Désolée de vous avoir dérangé au cœur de la nuit pour récupérer la récompense, mais nous sommes attendus et devons nous mettre en route sans tarder.

C'était un demi mensonge. Oui nous devions nous mettre en chemin pour rallier le bosquet d'émeraude, mais clairement nous n'allions pas prendre le risque de partir alors que l'aube ne tarderait pas. Ce soir-là nous étions retournés dans une auberge proche. J'ôtais les sangles de mon épaulette quand je remarquais ton expression.

— Quelque chose ne va pas?

Tu avais levé tes iris rouges vers moi.

— Pardon?

— Tu sembles soucieux.

Je rangeais mes ceintures et pliait mon gilet.

— Donc nous retournons au bosquet.

Ton intonation avait été sobre; les mots, une évidence sans aucune émotion.

— Je peux y aller seule si tu ne veux pas venir.

Je m'asseyais à côté de toi, passant une main sous ton pourpoint pour masser doucement ton dos. Sous l'épaisse étoffe de ta chemise je ne sentais pas le relief de tes cicatrices.

— Non, non... C'est que...

Tu hésitais un instant et subitement te redressais, souriant. « J'ai hâte de descendre vers Amn. Je pense que je nous ai trouvé un bon itinéraire. » Et à ces mots je n'avais pu retenir un rire franc.

— Toi? Tu as fait un itinéraire?

Voyez Astarion a de nombreuses qualités, aucune serrure ne lui résiste, il est plus discret qu'un chat, tout son corps est affûté et ses réflexes sont vifs, il est instruit et élégant, mais clairement, la planification, ce n'est pas dans sa nature. Vraiment ce n'est pas une personne de détails. Vraiment pas. Et quelle ne fut pas ma surprise devant ta moue boudeuse et vaguement offusquée.

— Pardon, m'étais-je repris alors. C'est que je suis surprise, je ne pensais pas que tu avais étudié les cartes de la région.

Nous avions parlé de voyager plus au sud il y avait un ou deux semaines de cela, juste avant de recevoir l'invitation, alors que l'équinoxe était passée.

— Mais ça ne change pas nos plans, nous faisons juste un petit crochet en route.

— Hum... Tu avais fait siffler ton souffle en jouant de ta langue sur la pointe d'un croc." Je n'ai rien contre l'idée de les revoir, peu importe pour moi. J'aime être avec toi. Je veux juste qu'on soit ensemble".

— Je sais, avais-je répondu en t'enlaçant.

Nous sommes donc retournés au bosquet. Nous avons retrouvé nos anciens compagnons. J'ai beaucoup ri et pleuré, de joie. Puis après de nouveaux au revoir nous sommes partis, tous les deux, et au crépuscule nous continuerons notre route.

Une histoire en Faerün.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant