Chp9 - Merveilleux as-tu dis?

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Avec plus de discrétion que des ombres nous sommes revenus à l'auberge. Échapper aux regards des noctambules est chose aisée, échapper à la pluie est plus compliqué. Les trombes d'eau s'étaient abattues aussi violentes que soudaines. Je suis trempée. J'ai froid. Je suis fatiguée alors que le jour est encore loin. J'ai faim. La petite collation de tout à l'heure était un peu légère. C'est que je ne pensais pas avoir à gérer une révélation sur mon passé ce soir.

J'ôte ma tunique qui goutte sur le tapis, allume une lampe à huile et part chercher un petit appoint pour mon appétit. Je constate que le contenu des sacs est répandu tout autour, au sol. Je saisis la pochette qui contient quelques morceaux de viandes séchées et me rappelle que tu as cherché en vain ton parfum tandis que j'étais dehors.

— Tu sais, je n'ai rien dit sur l'instant pour ne pas te contrarier, mais tout de même...

Je me retourne et m'assois sur le lit, mâchouillant déjà une lanière de bœuf. Tu sors de la petite salle d'eau, un linge à la main pour te sécher les cheveux, torse nu. Tu as été plus prompt que moi à te débarrasser de tes habits gorgés d'eau.

— Tu n'as rien dit à propos de quoi? demandes-tu intrigué.

Je fais quelques mouvements pour ôter mes bottes et allonge mes jambes.

— Et bien, tout à l'heure, au marché....

Tu fronces tes épais sourcils tout en tapotant tes boucles avec application. Je joue l'hésitation en fouinant dans la pochette à la recherche d'une autre grande tranche de viande. Tu attends que je poursuive.

— Et bien tout à l'heure tu as dis, je cite; je suis bien merveilleux nu et pourtant je m'habille.

Finissant ma phrase, je jette un regard ouvertement sceptique vers toi. Tu lèves les yeux et souris.

— Oh, je comprends. Ma douce, tu sous-entends que cela peut porter à débat?

— Hum... Tu ne peux pas être juge et parti, ce n'est pas très... Comment dire? Éthique? Protocolaire? Enfin, pour ce que j'en dis, après tout, c'est toi l'ancien magistrat, tu dois mieux savoir que moi.

C'est toi qui vois, je te laisse décider de la suite des évènements. Toujours. Je ne supporterai pas de te contraindre. Tu t'immobilises un moment, me regarde avec amusement, avant de reprendre d'une voix très sérieuse, « Et oui... Tu demandes donc le droit à une révision du jugement? »

— Cela me semble la moindre des choses, que nous ayons un verdict objectif.

— Tu seras l'objectivité ?

— Évidemment quelle question. Les bardes sont l'Objectivité personnifiée, c'est de notoriété publique.

Je pose le sachet de viande sur la table de chevet après en avoir saisi un dernier morceau. Tes yeux sourient plus que tes lèvres. D'un mouvement nonchalant tu jettes la serviette trempée et défait tranquillement les lacets de tes pantalons.

— Que ne faut-il pas faire pour l'amour de la justesse, soupires-tu en faisant glisser le tout à tes chevilles.

— Oui, vraiment...

Un pas de côté pour te libérer complètement et tu tournes sur toi-même, totalement nu, les mains élégamment levées. Je connais cette pirouette. Non sans mal je me retiens de sourire.

— Alors, ma dame?

Je reporte mon attention sur le morceau de viande que je finis de mâchouiller.

— Oui, pas mal.

— Je devrais peut-être m'approcher, que tu juges mieux les détails. Pardon. Que vous jugiez les détails votre honneur.

Bon, là je ne réussi pas à me retenir, un sourire fugace m' échappe.

— Ça peut valoir la peine si nous voulons être précis, je te le concède mon cher.

Du coin de l'œil je te vois t'avancer sur le lit. Je demeure parfaitement absorbée dans la contemplation de mes genoux. Tu te hisses à ma hauteur, passes un bras au dessus de moi. Tu n'en as pas besoin, mais tu respires. Je sens ton souffle sur ma nuque. Tu frôles ma joue de tes lèvres. J'incline légèrement la tête vers toi et croise ton regard. D'une main je ramène quelques mèches qui bouclent derrière ton oreille. Ta peau est encore chaude du sang que tu as bu.

— Tu es trop près là mon ami.

Tes yeux pétillent toujours autant.

— Oh, désolé.

Tu te redresses, saisis mes cuisses, les soulevant et les ajustant pour t'en faire un dossier. Le coude appuyé sur une jambe pliée, tu prends une pose qui ne laisse aucune place à l'imagination.

— Oh, je vois que l'attente du verdict te tend. Tu doutes?

— Rarement et certainement pas à propos de ça ma douce.

Sans chercher à feindre la discrétion, je te détaille. Les muscles fins et définis de tes jambes glabres. Les doigts agiles de ta main posée sur ton genou. Tes épaules solides. Ces grains de beauté sur ton torse. Celui sous la clavicule droite et les deux sur ton pectoral gauche. Tes abdominaux saillants sous ta peau claire. Ton désir sur lequel je m'attarde peut-être trop car d'un raclement de gorge tu me tires de ma contemplation.

— Alors?

— Ah, ça va! Oui, tu es merveilleux nu.

— Comment? t'amuses-tu une main derrière l'oreille, jouant les sourds.

— Tu es Ma GNI FiQUE. Content?

— Très.

Tu glisses sur moi, une expression de victoire illuminant ton visage. Je te serre contre moi en appréciant le poids retenu de ton corps.

— Moi je suis immortel, je ne risque rien, toi par contre tu devrais enlever tout ça, c'est trempé, tu vas attraper froid.

— Tu m'aides?

— Mais que ferait-elle sans moi, soupires-tu.

J'ai une vague idée. Je baignerai dans le sang et les entrailles de mes innombrables victimes, tuées au nom de Bhaal car je n'aurai pas eu la force de le repousser, ou une raison de le vouloir. Ou je serai juste morte, quelque part entre maintenant et le jour de mon réveil dans un sarcophage illithid.

Avec délicatesse tu fais courir tes mains sur moi pour me dévêtir. Tu relèves mes jambes et les fais passer sous la couverture; dans le mouvement tu t'allonges contre moi. Quand tu ne viens pas de te nourrir tu n'es pas froid, ton corps est juste à température ambiante. Lorsque que l'on reste blottis l'un contre l'autre assez longtemps ma chaleur te réchauffe en partie. En cet instant tu es toujours chaud. Je te pousses doucement pour que tu te mettes sur le dos afin que je prenne ma place favorite. La tête sur ton épaule, un bras passé autour de toi. Tu déposes un baiser sur mon front et tires sur la couverture pour l'ajuster sur mon dos.

— Mon petit dragon de glace, tu frissonnes, tu es gelée.

Disant cela tu caresses doucement les écailles qui habillent ma tempe. Je saisis ta main et la serre contre moi. C'est idiot mais je repense aux paroles de ce gros porc.

— Tu ne les as jamais trouvées repoussantes, ces écailles?

Si j'avais parlé plus bas, c'est que les mots ne seraient pas sortis de ma bouche. Tu libères ta main et me forces gentiment à lever les yeux vers toi. Tu paraîs si triste.

— Ma douce, jamais. Au contraire, on dirait des éclats d'argent qui brillent autour de tes yeux. »Tu les flattes à nouveau. « On ne les sent pas, elles épousent parfaitement ta peau. Elles brillent juste. C'est superbe en réalité. »

Je me relève et t'embrasse avec beaucoup trop d'émotions. Je sens ta main soutenir mon dos. Je recule un peu et te contemple à nouveau. Du bout des doigts je parcours la courbe de tes muscles, la ligne sous tes pectoraux, les ombres des obliques pour finir le long de ton flanc. Tu frissonnes. Monsieur peut être chatouilleux quand il est détendu. Je réitère, frôle encore tes côtés et laisse cette fois le bout de mes doigts suivre le plis de l'aisne, frôle ton intimité qui frémit au passage, pour finir mon mouvement à l'intérieur de ta cuisse. Un nouveau frisson.

— Que veux-tu faire pour le restant de la nuit?

— J'ai l'intention de te réchauffer ma douce.

Une histoire en Faerün.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant