Chp4 - Triel - Premier jour de Mortefeuille 1492

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Nous sommes arrivés à Triel en début de soirée, première ville notable sur le chemin des marchands qui nous conduira plus au sud d'Elturel.

Depuis la dernière page écrite rien ne m'a semblé mériter la postérité du papier. J'avoue aussi être restée assez déçue de moi même, incapable que je suis d'ordonner un récit convenable. Pour un temps heureusement ce trouble est passé.

Triel disais-je. Pour ce que j'en ai vu cette nuit, ville agréable et somme toute assez classique, une grande rue qui traverse la citée de part en part, une vaste esplanade centrale entourée de belles échoppes, tavernes et auberges. Malgré la nuit précoce de Mortefeuille les rues étaient vivantes, de nombreuses lanternes illuminaient les pavés et un marché bruyant paressait sur la grand place.

Astarion partit en quête d'une chambre tandis que je flânais entre les étales. L'automne est encore clément. L'air était frais mais rien de désagréable. Des odeurs de vin chaud, d'épices et beignets se mêlaient dans la nuit. Entre l'officine d'un herboriste et la table d'un écrivain public je trouvais ce que je cherchais, le panneau d'annonces de la ville. Disséminées entre décrets de bourgmestre et avis de décès, on y trouve parfois des requêtes intéressantes.

— Nous sommes logés pour les quelques jours à venir!

Je me retournais au son de sa voix. Astarion s'était glissé dans mon dos et brandissait devant moi une belle clef en cuivre.

— Parfait.

— Ma douce, as-tu trouvé quelque chose à nous mettre sous la dent?

Tu t'étais retourné et étudiait la foule.

— Peut-être, dis-je en arrachant un des feuillets au tableau. Je pliais le papier. « Au pire tu pourras toujours boire mon sang. »

— Ma friandise préférée.

Et souffrant ta dernière syllabe tu déposais un baiser au creux de mon cou.

Nous avons descendu la rue principale, deux voyageurs arrivés tardivement, pour nous arrêter un peu plus bas devant un imposant bâtiment d'où s'échappaient rires et notes de musique.

— L'écu de Tyr. Tout un programme, soufflas-tu en ricanant.

Je poussais un des panneaux de la lourde porte de la taverne. Le premier passant venu avait su m'orienter. « Vous descendez la rue, c'est juste après la boutique du tailleur qui fait l'angle, vous ne pouvez pas la rater! ».

Effectivement l'établissement prenait de la place et le grand bouclier en devanture n'entretenait aucune confusion. À l'instant où nous entrions, une clameur joyeuse saluait le départ d'un joueur de luth. Le lieu était bondé. Je me faufilais jusqu'au comptoir, Astarion sur mes pas.

— Que puis-je pour vous? avait demandé aimablement un homme affairé à essuyer de grandes choppes en étain.

— De l'hypocras pour moi si vous avez et un renseignement.

Je dépliais et posais l'affiche sur le comptoir.

— Oh oui. Alors une hypocras et... Il tendit le bras vers l'estrade que quittait le musicien, « Voyez la dame près du clavicorde, avec la robe blanche, c'est elle ».

— Merci.

Je laissais Astarion avec l'affiche au bar.

Cette dame en blanc se nomme Estelle de PontNeuf, propriétaire de l'Écu de Tyr. Avec d'autres notables de la cité, elle pâtit de l'activité de brigands qui "ponctionnent" dans leurs livraisons entre ici et Hardbuckler.

J'écoutais attentivement le récit de dame PontNeuf, la fréquence des attaques, les heures, le montant de la récompense pour arrêter cette troupe de voleurs, quand sans y prendre gare je trouvais le regard d'Astarion, à l'autre bout de la salle. Il était discret. Entre deux rires il regardait la chope devant lui et en un mouvement fluide cherchait mon attention avant de reporter ses yeux sur son interlocuteur. Un homme était assis à côté de lui. Un jeune homme bien bâti. Cheveux longs noués négligemment en chignon. Des pupilles brillantes dans des yeux sombres. Les oreilles légèrement plus fines que celles d'un humain. Demi Elfe. Il portait des habits de voyage, confortables et de bonne facture. J'inclinais la tête et assurais madame que moi et mon compagnon nous ferions un point d'honneur à trouver les malandrins qui portent préjudice aux honnêtes marchands de Triel. Encore un instant, elle notait sur une page la liste des derniers biens dérobés. Elle arracha le papier et me le remit.

Une histoire en Faerün.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant