Chapitre trois

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Un quart d’heure. Un quart d’heure que j’étais postée devant le seuil de sa maison. Cette maison que je connaissais comme ma poche. Où j’avais passé des étés entiers à squatter et profiter de leur immense jardin.
Et à présent que cela faisait deux ans que je ne les avais pas revus, je tremblais comme une petite fille. Vous voulez savoir la vérité ? La vérité, c’est que je suis une lâche, qui ne sait pas prendre le peu de décisions que j’ai à prendre depuis ma naissance. Je suis incapable de prendre mes responsabilités et incapable d’appuyer sur cette saleté de sonnette.

Que vont-ils dire en me voyant dans cet état pitoyable ?  Vont-ils se dire que je mérite d’endurer tout ce qu’il m’arrive ? Ou ont-ils alors oublié le passé et décidé de m’oublier ? De tirer un trait sur moi, qui étais comme une fille pour eux ? J’appréhendais leur réaction, j’avais peur qu’ils me rejettent. Enfin, surtout qu’il me rejette, lui.
Mon doigt restait suspendu devant ce bouton qui me narguait depuis trop longtemps à mon goût. Je ne sais par quel élan de courage, ma main appuya d’elle-même sur le bouton. Merde, merde, merde. Oh bordel. Je l’ai fait. Je ne pouvais plus reculer. Désormais je ne pouvais plus fuir mon passé. D’une minute à l’autre, ces souvenirs que je m’étais efforcée d’oublier, me reviendront en pleine poire. En partant en courant, je réussirais peut-être à...

- Oui, bonsoir, c’est à quel...

Mon souffle se coupa net. Elle se tenait devant moi en chair et en os. Ses pupilles étaient tellement dilatées que je ne pensais pas cela possible. Son odeur familière que je connaissais par cœur emplit mes narines. Je ne pus retenir mes larmes une seconde de plus, sans réfléchir je me jetais dans ses bras, tellement heureuse et chamboulée d’enfin la retrouver. Elle m’accueillait à bras ouverts et posa ses lèvres sur mes cheveux comme elle avait l’habitude de le faire. Avant.

- Ma puce, tu ne sais pas à quel point tu m’as manqué... C’est si bon de te revoir enfin, je... je suis tellement heureuse.

Adeline Tellier. Cette femme que je considère comme ma mère adoptive, ne m’avait pas renié. Tout ce temps, elle avait attendu mon retour. Rien que de savoir ce détail, me faisait fondre en larmes. De joie, cette fois.

- Toi... toi aussi...tu m’as manqué, je suis désolée... Pardonne moi d’être partie si soudainement du jour au lendemain, je ne voulais pas... vraiment, ce n’était pas mon intention, je ne voulais pas vous faire du mal...

Elle se pencha et déposa délicatement son index sur mes lèvres gercées. Elle me regarda profondément, ses yeux plissés venant accentuer son sourire contagieux (toujours fixé à ses lèvres). Bon Dieu, que j’aimais cette femme.

- N’en dis pas plus, tu n’as rien fait de mal je t’assure, au contraire, de te revoir est la plus merveilleuse chose que j’ai pu espérer.

Je lui adressai mon plus beau sourire et frotta ma joue contre sa main douce. Je lui avais manqué. Tout ce temps, je m’étais détestée de les avoir abandonné, tout ce temps, j’avais regretté ma décision, et maintenant, d’apprendre qu’ils ne m’en avait jamais tenu rigueur signifiait le calme après la tempête. Une question me taraudait tout de même l’esprit, il fallait que je sache si lui avait réussit à me pardonner :

- Et Félix ? Il... il se porte bien depuis euh... enfin, tu sais quoi...

Elle me regarda avec une mine attendrie, et me lança d’un regard consentant, toujours avec cette voix telle une berceuse :

- Tu n’as qu’à lui demander, il est à l’étage.

J’avalais la bile coincée dans ma gorge. Lui. Parler. À. Félix. Alors que cela faisait si longtemps que je n’avais pas entendu le son de sa voix. Il devait avoir changé depuis tout ce temps... Était il devenu un bad-boy ? Un dealer ? Avait il sombré par ma faute ? M’en avait il voulu, m’avait il détesté au point d’effacer mon prénom de sa mémoire ?
Adeline dû apercevoir mon tracas car elle posa ses mains sur mes avant-bras avant de m’intimer :

- Je te mentirais si je te disais qu’il avait instantanément tourner la page après votre rupture. En vérité, oui, il a été affecté. Beaucoup même. Au point de ne plus rien avaler, de se questionner chaque soir sur ce qu’il avait bien pu faire de mal. Il est même allé consulter une psychologue afin de lui parler de vous. De votre ancien tout. Mais ce dont tu peux être certaine, c’est qu’il ne t’a jamais oublié, il n’a jamais souhaité ou même effleuré l’idée de t’effacer de sa mémoire. Il t’aimait. D’ailleurs, je crois même que je ne l’ai jamais vu aimer comme il t’a aimée. Après la tristesse, la colère l’a rongé à petit feu. Il t’en a profondément voulu, au point d’écrire pour la énième fois ton prénom sur un bout de papier, et de le jeter au feu, et d’ensuite le regarder se consumer. Mais tout cela c’était avant. Maintenant, il a su surmonter ces moments difficiles, et je pense qu’il est temps pour vous de vous retrouver. De vous re-découvrir.

J’étais subjuguée face à cet aveu. Il m’aimait. Il n’a jamais cessé de m’aimer. Même lorsqu’il écrivait "Nadia" sur un bout de papier avant de le jeter dans les flammes, il savait pertinemment qu’il ne m’oublierai pas. Il faisait ça dans le seul but de soulager sa haine envers moi. Cette révélation représentait le feu vert d’un nouveau départ. D’une nouvelle ère où cette fois je ne laisserai pas de place au doute.

Après tout on n’a qu’une vie non ?

Je jetais un coup-d’œil à ma mère de cœur et aperçus la fierté dans ses yeux. Ça y est, elle savait que j’étais enfin prête à faire le premier pas. C’est donc pour ça, qu’elle m’ouvrit la porte, impatiente d’assister à ces retrouvailles pour le moins tant attendues - nos retrouvailles.

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