Chapitre deux

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Soulagement (et pas des moindres), ma prière fut exaucée. Dix minutes après avoir prévenu tous les dieux grecs de ma détresse, un camion s'était présenté à moi. Enfin, cette âme charitable que j'espérais tant, me tendait les bras.
Tout à coup, la portière de cet immense véhicule s'ouvrit d'un claquement sec. À l'intérieur, je ne pouvais distinguer le visage du conducteur à cause de l'obscurité environnante. Tant pis, je monte, au pire je finirai ma vie enfermée dans une cave à mourir de faim si ce chauffeur s'avère être un serial-killer.
D'un geste vif, je pris place sur le siège passager et refermai brutalement la portière. Malheureusement pour moi, le conducteur le remarqua et à cet instant précis, je priais de nouveau le ciel, en espérant que mon sauveur ne soit pas un psychopathe recherché par la mafia.

- Dites donc Mam'zelle, il s'agirait d'être plus délicate ! Je sais bien que c'vieux tacot n'est qu'un tas de ferraille, mais faut quand même qu'il réussisse à tenir encore quelques p'tites années !

Je m'arrêtais net. Mon cerveau se mit en pause. Mon corps entier fut figé sous l'effet de la surprise. Faut que j'arrête ma paranoïa là, ça devient grave à force... Cet homme ne correspondait pas du tout au portrait que je m'étais fait de lui ! Je le reluquais des pieds à la tête, tout en cherchant un élément qui pouvait me prouver que cet homme n'était pas celui qu'il prétendait être. Il fallait que je me rende à l'évidence, je m'étais vaguement trompée. Totalement même.

- Bah alors, vous avez perdu votre langue ? Et puis d'abord, qu'est-ce qu'une gamine de votre âge fabrique au bord d'la route au beau milieu d'la nuit ?

Son regard me transperçait, sondant mon âme à la recherche d'une quelconque réaction de ma part. Que devais-je lui dire ? "Au fait M'sieur, j.ai juste fugué mais... hmm tout à fait, mes parents sont au courant ne vous en faites pas..."
Comprenant que je ne daignais pas lui faire l'honneur d'entendre ma voix, il se ravisa et démarra son véhicule, posant ainsi ses énormes mains, toutes les deux bondées de tatouages sur le volant.
Après seulement une minute de répit, il recommença son interrogatoire :

- Ok, d'accord vous n'voulez pas parler, mais est-ce qu'au moins je pourrais connaître ton prénom ? Désolé, j'me permets de te tutoyer, j'espère que ça ne te dérange pas ?

J'expirais lourdement, exprimant ouvertement mon agacement, mais je finis par répondre afin qu'il la boucle et qu'il arrête ses questions à la con :

- Nadia et si.

Il me dévisagea, ne perdant pas de vue la route et acquiesça d'un hochement de tête, résigné :

- Moi c'est Philibert, mais tout le monde m'appelle Phil. Je sais, je sais, étant donné ton... votre âge et mon prénom de chevalier du Moyen Âge, vous devez vous dire que je ne suis pas né de la dernière pluie.

Intérieurement, je bouillonnais. Il pouvait pas la fermer sa grande bouche ? Mes réponses froides n'étaient-elles pas assez explicites ? Quand est-ce qu'il allait se rendre compte qu'il était inutile d'engager la conversation avec moi ? Ou bien alors, allait-il réellement continuer à me raconter sa vie comme si j'en avais vraiment quelque chose à foutre ?
Je continuais de l'ignorer, et me ravisais de lui exprimer le fond de ma pensée. De l'autre côté de la vitre, les champs nocturnes défilaient. J'aimais bien m'imaginer quel genre de tueur en série avait bien pu traîner dans ces fameux champs de maïs... durant la nuit d'Halloween par exemple...

Ma réflexion fut stoppée net par un violent coup de frein de la part de Phil. Tiens, voilà que je me mets à l'appeler par son soi-disant surnom, pfff... ridicule.
Il me fallu quelques secondes pour me rendre compte de la supercherie. Il n'avait pas freiné, ce con s'était carrément arrêté, ARRÊTÉ ! Je ne réussis pas à masquer ma stupeur et sans que je ne puisse me retenir, je lui lançais (à moitié entrain de lui hurler dessus) :

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