Chapitre cinq

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Son regard perçant me cherchait. Creusant dans ma rétine, en essayant de discerner ne serait-ce qu'une pointe d'émotions dans mes yeux. Je regardais le sol, incapable d'affronter ses iris sombres. Si il venait à voir que mes yeux s'étaient embués et menaçaient de couler, il s'en voudrait profondément et se sentirait coupable. Je le connais, il a toujours été comme ça, c'est dans sa façon d'être, au fond, c'est un vrai sensible, il n'a jamais été ce dur à cuire que les inconnus pensaient qu'il était. J'ai cerné son caractère très très vite.

Au départ, j'avoue, je n'avais jamais osé lui parler pensant qu'il était comme tous les garçons du bahut, c'est à dire stupide. Mais finalement, un jour, nous étions dans la même classe, et notre professeur principal M. Carlier pris la formidable décision de nous mettre en binôme pour un travail de groupe.
Bien évidemment, comme toute grincheuse qui se respecte, je lui ai bien exprimé mon mécontentement de devoir travailler avec lui. Et vous savez ce qu'il a rétorqué lorsque je m'étais plainte au professeur ? Félix avait eu l'audace de me provoquer en me lançant :

- Je sais pourquoi tu ne veux pas qu'on travaille en collaboration. En vérité, je suis certain que tu es effrayée à l'idée que je ne travaille plus que toi.

Tout le monde savait que, quand on me lançait un défi, je ne pouvais le refuser. Je suis ce qu'on pourrait plus communément appeler : une compétitrice dans l'âme. Dans l'âme. Il ne faut surtout pas oublier ce complément. En entendant ces mots une fois prononcés, mes radars se déclenchèrent et je me retournai vers lui, les joues rouges légèrement furieuse :

- Alors comme ça, tu crois réellement qu'un mec dans ton genre pourrait travailler plus qu'une fille aussi investie que moi ?

Il esquissa une grimace et me répondit l'air offensé :

- Comment ça un garçon dans mon genre ?

- Stupide. Qui ne possède qu'un désir : agrandir le plus vite possible son quota du nombre de filles qu'il arrivera à mettre dans son lit cette année.

Ces mots que j'avais bel et bien dits avec un ton des plus neutres, l'avaient en effet profondément touché. Je ne m'étais pas rendue compte de la puissance et de la méchanceté que pouvait dégager mes paroles ce jour-là. C'est seulement au moment où il a commencé à changer de tête, que je me suis rendue compte que j'avais merdé. Son visage était dépité et il contracta la mâchoire tellement fort que c'en était alertant. Puis, la cerise sur le gâteau, il se barra en courant, en claquant la porte derrière lui.

C'est de cette manière ci, que j'ai appris à connaître la vraie identité de Félix Tellier. Un grand sensible au coeur tendre. Littéralement.

***

Nous voici donc toujours face à face, lui me scrutant et moi l'évitant. Était-il entrain de se rappeler lui aussi le jour de notre rencontre ? Ou pensait-il encore au fameux jour de notre rupture ? J'avais tellement envie de fixer mon regard sur sa silhouette et de ne plus jamais m'en défaire. Mais je savais déjà qu'à peine mes yeux posés sur lui, je ne pourrai plus jamais m'en détacher.
C'est à ce moment - pour le moins gênant - qu'Adeline décida de refaire son apparition après ce qu'il me semblait être une éternité. Mon Dieu ce qu'elle m'avait manqué ! Toujours là quand on a besoin impérativement d'elle.

- Nadia, j'ai appelé tes parents... Je suis désolée ma puce mais... Quand ils ont appris que tu avais fugué, ils n'ont pas cherché à savoir pourquoi... Pour être honnête, ils ne l'avaient même pas remarqué, je... Je suis vraiment navrée ma puce...

Vous voulez que je sois honnête ? Cet aveu ne m'affectait pas. Pas le moins du monde. Depuis ma rentrée au lycée, mes parents ont décrété qu'à partir de ce jour, je deviendrai indépendante. Que je n'avais plus besoin de parents pour m'épauler. Depuis ce jour, tout ce que je fais, ou ne fais pas, leur est complètement égal. Ils me négligent totalement. À ce point là, ce n'est même pas de la négligence, c'est de l'ignorance... C'est pour cette raison précise que mon visage affichait toujours une mine blasée même après les aveux d'Adeline.

- Si tu le souhaites, tu peux rester pour la nuit ? Ma pauvre, tu as dû errer si longtemps dans la rue sans même savoir où tu allais...

J'étais subjuguée. Après tout ce que je leur avais fait subir, toutes les souffrances que j'avais pu provoquer en eux, ils me proposaient de m'héberger.

- Vous êtes sûrs que ça ne vous pose aucun soucis ? Je dis ça parce que je débarque un peu comme une petite fleur après quasiment un an sans donner de nouvelles...

Mon regard se porta directement à l'intention de Félix qui me fixait encore plus intensément que tout à l'heure.

- Tu es sûr que ça ne te pose pas de problèmes Félix ?

Il secoua la tête de droite à gauche un petit sourire en coin fixé sur ses lèvres.

- Non je t'assure Nadia, tu seras toujours la bienvenue ici, quoi qu'il arrive et quoi qu'il ait pu arriver par le passé.

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