14. Tiens bon, Molly

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Je cours aussi vite que mes jambes me le permettent, les yeux brouillés par les larmes qui menacent de perler dans le coin de mes yeux. Je cours à en perdre haleine, me téléportant au bout de chaque intersection pour aller plus vite. Je laisse une pluie de particules dans mon sillage, mais la drogue me laisse dans le sang des morsures à vif qui maintiennent mon alter en sourdine. Je me sens inefficace, ralenti, faible.

Tiens bon, Molly.

Tiens bon, je t'en supplie.

Nous tournons au coin de la dernière rue, mais mes jambes se clouent au sol. Le collège n'est plus qu'un tas de ruines, une épaisse fumée englobant la carcasse du bâtiment à feu et à sang. Je reste sans voix, les yeux écarquillés face à cette vision d'horreur, puis, pris d'une rage folle, je me précipite vers les décombres en déblayant les gravats comme une furie.

一 Molly !

Une fois sur trois, mes mains rencontrent seulement du vide, mon alter complètement déstabilisé par le profond déni qui me gagne.

一 Molly ! Je t'en pris, réponds-moi ! Je vais te sortir de là.

Autour, les quelques collégiens ayant fui avec certains professeurs sont pris en charge par les secours qui viennent d'arriver, tandis que je continue de chercher frénétiquement dans les décombres. Mes mains se couvrent peu à peu de coupures à mesure que je soulève morceaux de béton et vitres brisés. Mon cœur bat à tout rompre et je perds la tête.

一 Aïko ! Aiko, arrête ! Tu te fais du mal. S'écrit Ochaco en posant une main sur mon épaule.

一 Je m'arrêterai quand je l'aurai trouvé. Je ne peux pas...

Son visage se tord d'une grimace de douleur et elle pose alors les doigts sur les décombres qui prennent de l'altitude. Mon cœur se serre un peu plus, à chaque corps sans vie retrouvé dans les ruines de ce qui était mon ancien collège, celui de ma sœur. Ma sœur...

一 Molly.

Une petite main dépasse d'un mur écroulé. Une main où je reconnais immédiatement le petit bracelet dont les perles ressemblent à de petits écrous accrochés à son fin poignet. Mon monde s'écroule et je tombe à genoux devant ma petite sœur sans vie.

Je suis arrivée trop tard.

Trop tard.

Derrière moi, Ochaco recherche de potentiels survivants avec l'aide de Tsuyu, mais je n'arrive plus à détacher mon regard. Mes larmes viennent tacher le bitume.

一 Pardonne-moi, petit cœur, pardonne-moi.

Je n'ai pas su la protéger.

Je lui avais fait la promesse d'être toujours là pour elle. Je lui avais promis d'être son bouclier, d'être sa force. Je lui avais promis d'être une héroïne pour deux.

Je n'ai pas su la protéger.

Les dents crispées, je me recroqueville, une main sur la poitrine, essayant en vain de stopper ce déchirement à l'intérieur. Pourquoi ça fait si mal ?

一 Ils ont eu Eri. On arrive trop tard.

J'entends Izuku dans mon dos, sa voix est aussi déchirée que la mienne. Je sais qu'Eri compte énormément à ses yeux. Je sais aussi qu'ils avaient tout fait, lui et Mirio, pour lui montrer que la vie pouvait être belle, une fois les horreurs du passé derrière. Elle venait de reprendre ses marques dans ce monde injuste, elle s'était trouvé des amis. Et maintenant, elle va devoir revivre l'enfer d'être un objet que l'on utilise pour des fins diaboliques.

Elle est entre les mains de Green Madness...

Je lève les yeux et remarque qu'Izuku serre les poings à en faire pâlir ses phalanges. Je décèle dans ses yeux la même douleur que la mienne. Mais je sais que, tout comme moi, sa rage est dirigée contre lui. Tout comme moi, il s'en veut de ne pas avoir réussi à la sauver. Mais pour lui, pour Eri, il y a encore de l'espoir.

Alors, avec une détermination folle, mon cerveau coupe toute émotion. Je me relève avec difficulté, le regard vide, puis je passe à côté de Deku, la tête haute.

Non.

Je n'ai pas coupé mon chagrin. Je n'ai pas abandonné la douleur qui me brûle de l'intérieur.

Non.

Je l'utilise pour alimenter autre chose. La rage. La détermination. Je ne peux pas me permettre de m'écrouler.

一 On peut encore la retrouver, dis-je en regardant la rue. On va la retrouver, Izuku. Je t'en fais la promesse.

Les gens sont effrayés, les secours récupèrent les corps et je repère, dans la foule de parents paniqués, un regard familier.

Maman.

Ses yeux bleus croisent les miens et il ne lui faut pas longtemps pour comprendre mon regard vitreux, rougi par le flot de larmes que j'ai refoulé au fond de moi. Elle passe alors sous la bannière, malgré l'interdiction des policiers et se précipite vers moi. Lorsque ses bras se referment sur moi, la douleur revient avec une force incroyable. Je l'entends pleurer et mon cœur se brise en miettes. Je la serre fort, en laissant mon chagrin couler sur ses épaules.

Ne pas s'effondrer. J'aimerais dire que je peux le faire, que je peux être forte pour nous deux. Mais c'est impossible.

一 Je suis désolée, maman.

Ce sont les seuls mots qui réussissent à quitter mes lèvres tremblantes. Secoué par les sanglots, un râle de douleur s'échappe de sa gorge et résonne dans les ruines.

一 Pardonne-moi. 

Aïko - New HeroesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant