Je suis dans un vide étrange, un lieu sans frontière, sans horizon, où l'obscurité règne en maître.
Est-ce donc ça, la mort ?
J'avance au hasard, le bruit de mes pas étouffés par le néant. J'erre sans but, cherchant une sortie à cet endroit angoissant. Je ne veux pas rester ici. Il fait bien trop sombre. J'ai l'impression qu'il avale la moindre lumière, la moindre étincelle d'espoir. Pourquoi y aurait-il de l'espoir après tout ? Je suis morte, un point c'est tout.
Ne voyant plus aucun intérêt d'avancer pour rien, je finis par me recroqueviller sur le sol, attendant qu'il se passe quelque chose. Je suis triste, et pourtant, je n'ai aucun regret. J'ai fait ce qu'il y avait à faire. C'est ce qu'un véritable héros aurait fait.
On perd la notion du temps lorsqu'il n'y a plus rien pour vous aider à y voir clair. Je n'ose plus bouger, les bras enroulés autour de mes jambes, le front posé sur mes genoux, pour ne plus voir cette obscurité pesante. Je me dis que si je ferme les yeux, si je ne vois plus cette masse sombre, je pourrais simplement croire que ce sont mes paupières qui créent l'obscurité qui m'enveloppe.
Je garde les yeux clos, m'imaginant dans les bras de Katsuki, entendant sa voix qui me rassure, me dit que tout va bien, que tout est fini.
Mais c'est faux. Entièrement faux.
Je pense alors à maman. Je sais que me perdre aussi va l'anéantir. Notre famille est maudite, c'est certain. Elle nous aura tous perdus : d'abord papa, puis Molly... maintenant moi. J'aimerais pouvoir la serrer une dernière fois contre moi. Je voudrais qu'ils soient tous là.
L'avantage de ce lieu, c'est qu'il n'y a personne pour voir mes larmes couler.
Il n'y a personne pour me réparer cette fois.
Je peux sombrer.
Lentement.
Dans.
Le.
Néant.
*****
Je ne pourrai dire à partir de quand la lueur est apparue, mais lorsque j'ai levé la tête, intriguée par ce halo éclatant, je me suis dit que ma prière avait été entendue. Debout face à moi, devant un mur blanc éblouissant, se tient la personne qui m'a le plus manqué. La petite frimousse de ma petite sœur se rue dans mes bras et je mets un moment à réaliser que je ne rêve pas... enfin que je ne l'imagine pas, plutôt. Mes doigts touchent bel et bien ses fins cheveux, et je sens parfaitement ses mains dans mon dos.
一 Tu m'as manqué, petit cœur, dis-je secouée de sanglots. Pardonne-moi. Je n'ai pas été à la hauteur.
一 Ne dis pas de bêtise, patate. Tu ne pouvais pas savoir. Tu as toujours fait de ton mieux, et c'est ça qui compte. Tu n'as jamais abandonné.
Elle se détache un peu de moi, son sourire me réchauffant le cœur. Elle dépose un bisou sur mon front et m'encourage à me lever.
一 Et puis, je ne suis pas toute seule, ajoute-t-elle en pointant du doigt la silhouette dans son dos.
Mon cœur se presse davantage dans ma poitrine.
Papa est tel que dans mon souvenir. Ses cheveux châtains qui partent dans tous les sens, ses yeux verts pétillant avec les petites rides aux coins de ses yeux. Son visage transpire la bienveillance et il tend les bras lorsque je m'approche hésitante. Son étreinte balaie tous mes chagrins en l'espace d'un instant.
Plus besoin d'être ailleurs quand ses bras me protègent.
一 J'aurais aimé que vous ne soyez pas les premières à me rejoindre, commence papa d'une voix douce. Mais je suis content de te revoir.
Il est vrai que dans l'ordre des choses, ce n'est pas Molly qui devait partir ni moi d'ailleurs. Il s'attendait sûrement à être rejoint par maman.
La vie en a pourtant décidé autrement.
一 C'est ici qu'on va être pour l'éternité ? demandé-je perplexe.
Son rire éveille en moi une sensation enfouie depuis longtemps. Son rire, je ne l'avais pas entendu depuis des années et je ne pensais pas que l'entendre à nouveau me remplirait autant de joie.
一 Non ma puce, ici c'est un peu comme un entre-deux.
一 Un entre-deux ? répété-je sans comprendre.
Je lève la tête pour observer le visage calme et bienveillant de papa. Sa main caresse affectueusement ma joue tandis que son sourire glisse avec tendresse sur mes iris. J'imprime le moindre détail, de peur que tout disparaisse à nouveau. Puis je tourne la tête vers le voile blanc et tente d'imaginer ce qu'il y a derrière, un monde infiniment grand, qui accueille tous les défunts pour le reste de l'éternité, ou que sais-je encore.
一 C'est le passage du monde des vivants à celui des morts. Si tu préfères, c'est un peu comme une salle d'attente, explique mon père en jouant avec une mèche de mes cheveux.
一 Ils devraient revoir la déco de leur salle d'attente, bougonné-je. C'est angoissant cet endroit.
Je vois Molly hocher la tête, perdant son sourire communicatif et je ne peux que me sentir coupable. Si elle a traversé tout ça, c'est parce que je ne suis pas arrivée à temps. Je décoiffe le haut de sa tête, ce qui a pour effet de la faire rire en grognant un petit « arrête heu ! » faussement plaintif. Puis j'observe de nouveau le voile, à m'en faire mal aux yeux, soudain anxieuse.
Je sais que passer cette frontière signifie laisser définitivement mon passé et ma vie derrière moi, et je ne suis pas prête à le faire. J'avais encore tellement de choses à faire, à prouver. Je voulais prouver à moi et aux autres que je deviendrai une grande super-héroïne. Je ne sais pas si je suis capable de faire ce pas en avant. Ce pas vers l'éternel repos.
Je sens les doigts de Molly agripper les miens et mon regard croise ses grands yeux enjoués. Je presse doucement sa main tandis que mes épaules s'affaissent dans un soupir. De toute manière, je dois m'y résigner. Il n'y a pas d'option marche arrière pour ces choses-là, ce serait beaucoup trop simple si un mort pouvait dire qu'il n'est pas prêt. C'est impossible.
一 Je ne te lâcherai pas, murmure Molly en tirant sur mon bras.
一 On va t'aider à traverser, ajoute papa en posant une main rassurante dans mon dos. Tu n'as pas besoin d'avoir peur.
Peur ? C'est un euphémisme. Je suis terrifiée, dévastée, j'ai envie de tourner les talons et de chercher une autre issue de secours.
Je ne veux pas que ça se termine de cette façon.
Je ne lui ai pas encore dit...
一 Aïko ?
Mon père m'observe en silence et j'essuie grossièrement les larmes qui roulent sur mes joues du revers de la main.
J'opine sans un mot, serrant un peu plus les doigts de Molly tandis que papa passe en première à travers le halo blanc. Je distingue encore sa silhouette, mais elle est plus floue, comme si une fine membrane brouillait la vue entre nous. Molly me tire alors le bras, commençant à traverser. Je retiens instinctivement mon souffle, prête à la suivre, mais lorsque ma main toujours dans celle de Molly touche le voile, je me heurte à un mur invisible. Je suis prise d'une panique inexplicable, plaquant mes deux paumes sur le voile, sans comprendre. Pourquoi je ne passe pas ? Que se passe-t-il encore ? Je frappe la paroi et seul mon père revient de mon côté précipitamment.
一 Papa, qu'est-ce qui se passe ? Vais-je devoir rester là pour l'éternité ? Est-ce que...
一 Le temps presse alors écoute-moi, me coupe papa. N'oublie pas que je vous aime plus que tout, toi et ta mère. Prend soin d'elle à ma place, tu veux bien ? Et je veux que tu saches que je suis fier de toi, ma fille.
Les yeux embués, je le regarde avec incompréhension alors qu'il dépose un baiser sur mon front.
一 Je suis perdue, qu'est-ce qu'il se passe ? dis-je encore plus déboussolée.
Soudain, une intense douleur me tord la poitrine et ma respiration se coupe. La souffrance se répand dans la moindre partie de moi tandis que je disparais pixel par pixel. Je regarde mon père, mais ce qui me surprend dans ses iris vert pomme, c'est un soulagement profond et bienveillant. Le sol se dérobe sous mes pieds, et je chute dans le vide.
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Aïko - New Heroes
FanficAïko ne désire qu'une seule chose : être un modèle de héros aux yeux de sa petite sœur. Pour cela, son plus grand rêve est d'intégrer la toute nouvelle agence fondée par All Might : La Cavalerie ! Mais alors qu'elle fait ses premiers pas à l'agence...