24. De la cave aux feux des projecteurs

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La salle est bondée et je me sens bien trop exposée. Les journalistes s'agitent et discutent dans tous les sens. Tous attendent qu'All Might prenne la parole sur les récents événements. Les bras croisés dans le dos et la posture bien droite, je suis positionnée sur la droite de l'estrade, tandis que Bakugo est de l'autre côté, près des quelques marches.

Je sais très bien que personne dans cette pièce n'est au courant de mon enlèvement, pourtant, c'est comme si j'avais l'impression d'être la cible de tous les regards. Ce n'est peut-être pas complètement faux, après tout, je suis la nouvelle recrue de La Cavalerie, j'attire forcément la curiosité.

Sur ma gauche, Bakugo est impassible. Il attend patiemment, les bras croisés sur son torse, fixant la foule en fronçant les sourcils. Je le regarde plus longtemps que nécessaire et lorsqu'il tourne la tête vers moi, son regard s'adoucit et me rassérène un peu.

Les caméras s'allument de concert lorsque l'ancien numéro Un fait son apparition dans la salle de conférence. Vêtu d'un costume bleu marine qui sublime sa prestance, il monte les marches et prend place derrière le pupitre. Les flashs des photos m'aveuglent et je suis projetée dans le terrier, éblouie par la vive lueur du néon lorsque Green Madness entrait dans ma cellule.

Je secoue la tête et me concentre sur All Might. Son entrée a suffi à plonger la salle dans un silence de respect.

一 Bonjour à tous. Si je me tiens devant vous aujourd'hui, c'est que des heures sombres nous attendent. Nous sommes sur les traces d'un vilain qui se fait appeler Green Madness. Il peut rendre fou n'importe qui, n'importe quel alter et projette de plonger le Japon tout entier dans le chaos.

Il marque une pause, évalue la réaction des journalistes avant de reprendre, toujours dans le plus grand des calmes.

一 Ce vilain construit une machine assez puissante pour supprimer les alters de la surface du pays. Il a également enlevé une jeune fille, du nom de Eri. Nous sommes en ce moment même à sa recherche, mais si je tiens cette conférence, c'est également pour faire appel à vous.

Des chuchotements parcourent la salle et je joue discrètement avec l'ourlet de mon gant, les mains toujours dans mon dos. La nervosité me gagne à mesure que les journalistes s'inquiètent.

一 Nous vous demandons à tous de bien vouloir rester prudents et de communiquer toute information potentielle sur l'emplacement de cette machine et de l'enfant. Nous allons devoir déclarer l'état d'urgence.

Cette fois, la foule commence à vouloir poser des questions. Les journalistes tentent d'apostropher All Might, mais il calme la foule, les paumes tendues devant lui.

一 Du calme, je vais répondre à vos questions, mais une à la fois, je vous prie.

Il invite un journaliste à commencer. Celui-ci se racle la gorge et récupère le micro qui se passe de main en main.

一 Vous parlez bien de la petite Eri qui a été au cœur du complot yakuza il y a maintenant plus de cinq ans ?

一 C'est exact, oui. C'est la raison pour laquelle elle a été enlevée. Le vilain souhaite exploiter le potentiel de cette enfant.

Un autre journaliste prend le relais.

一 Donc c'est ce Green Madness qui est à l'origine de l'effondrement du collège Orudera où votre agence est intervenue ? C'est lui qui est responsable de ces vingt-quatre adolescents morts ?

All Might acquiesce.

Les questions pleuvent et je n'écoute qu'à moitié, replié en moi-même pour éviter la surcharge.

一 J'aimerais poser une question à Pixely, intervient une journaliste.

Je me raidis et All Might coule un regard dans ma direction. Il semble hésiter, puis reporte son attention sur la foule de journalistes.

一 Je ne pense pas qu'elle soit en mesure de...

Je quitte mon poste de surveillance, à pas lents, et pose une main sur l'avant-bras du numéro un. Il me jauge silencieusement et quelque chose dans mon regard doit parler pour moi puisqu'il s'écarte après un hochement de tête. Je prends une grande inspiration et règle le micro à ma hauteur.

一 Je vous écoute, dis-je à l'intention de la journaliste.

一 On dit que vous êtes la sœur d'une des victimes de l'éboulement du collège Orudera. Est-ce réellement le cas ?

J'ignore l'image de ma petite sœur sans vie qui s'impose à mon esprit et reste calme. Surtout, ne pas montrer mes faiblesses.

一 Elle s'appelait Molly, oui.

La journaliste jette un coup d'œil hésitant vers All Might, avant de revenir sur moi.

一 Vous comprenez donc l'inquiétude de la population à cette nouvelle annonce. Les vilains s'en prennent à nos enfants et menacent leur avenir, n'est-ce pas une preuve flagrante que les héros ne parviennent plus à maintenir la paix ?

À ma gauche, je vois Katsuki esquisser un pas en avant, prêt à intervenir. La journaliste a le culot de s'attaquer directement aux héros, devant All Might qui plus est. Mais je ne me laisse pas décontenancer et tente de mettre les choses à plat. Nous devons calmer les gens, sinon cette histoire pourrait vite dégénérer. Il ne faut pas grand-chose pour ébranler les foules.

一 Je connais très bien ce sentiment. Le fait de se sentir impuissant. On a tous à un moment ou un autre l'impression d'être dépassés, perdus, effrayés. Mais le monde a déjà connu des périodes sombres, et même quand on avait l'impression d'être au bord du gouffre, All Might a toujours été là. Les héros sont toujours là. C'est notre devoir de vous protéger. Alors oui, parfois il y a des gens qu'on ne parvient pas à sauver et je partage la peine de ces familles endeuillées. Mais on ne peut pas se permettre de baisser les bras, on ne peut pas donner l'impression aux vilains qu'ils ont gagné. Parce qu'ils ne nous effraient pas !

Je reprends mon souffle et fixe la caméra, en espérant que quelque part, ce satané fou vert me regarde.

一 Green Madness ne m'effraie pas. Je fais partie de la relève de All Might. Je traquerai sans relâche ceux qui menacent notre pays et je n'abandonnerai pas tant qu'ils ne seront pas derrière les barreaux pour tout le mal qu'ils ont commis. Je vous en fais la promesse.

La journaliste semble satisfaite de ma réponse. Elle hoche la tête silencieusement puis lâche un « merci » dans le micro avant de passer la main. Je la salue avant de reprendre place à droite de l'estrade.

Je sais que cela ne suffira peut-être pas à calmer les foules, mais je me sens plus légère. J'ai gardé la tête haute et j'ai montré que j'étais capable de rester forte. Green Madness m'a peut-être détruite, mais je peux encore me battre. Je prouverai à All Might que j'en valais la peine. Je prouverai à tous qu'ils peuvent compter sur Pixely. 

Aïko - New HeroesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant