Chapitre 20

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 Après avoir fait ses au-revoir à son grand-père, Wendy suivit la princesse jusqu'aux appartements de la famille royale. En plus d'elle, Fréone et Sixircun les accompagnaient en tant que représentants de Lutalica tandis que, du côté Trémisséen, le prince et la reine s'étaient joints à eux.

Une fois bien installés, il leur fut demandé de décrire le plus fidèlement le mode de vie des Lutaliciens. Enzo et Ana posaient de nombreuses questions, cherchaient le moindre petit détail qui pouvait permettre aux réfugiés de se sentir bien malgré la perte de leur ville. De son côté, la reine servait de garde-fou. Elle connaissait très bien le tempérament de ses enfants et annonçait tout de suite si une de leur idée était réalisable ou non.

Heureusement qu'elle se trouvait là, pensa Wendy. Si toutes les idées du prince et de la princesse étaient réalisées, Lutalica aurait été rebâtie juste à côté de la capitale. Non pas qu'une telle chose lui aurait déplu, mais cela aurait demandé bien trop de temps et aurait vidé plusieurs fois les caisses du royaume.

La reine était aussi présente pour aider les Lutaliciens à structurer et organiser leurs explications. Demander à une personne de décrire le mode de vie de ses compatriotes et celui-ci partirait dans tous les sens, ne sachant quel point aborder en premier. Ainsi, en donnant des thèmes bien définis, la reine permit de balayer avec plus de clarté et de précision leur culture.

Après une après-midi enfermé dans cette pièce, Wendy avait deux sentiments paradoxaux. Elle avait l'impression d'avoir déjà bien avancé dans l'accueil de son peuple en tant que réfugié, mais sentait aussi qu'elle n'avait fait que gratter la surface et qu'il leur restait encore de longues journées à expliquer leurs mœurs, coucher le tout sur papier et trouver les idées pour améliorer leur confort.

— Maman, tu penses qu'on pourra faire tout ça pour eux ? Questionna Enzo.

— J'ai laissé certains points parce que vous avez insisté, mais j'ai peu d'espoir qu'ils ne soient pas acceptés, répondit-elle sincèrement. Ils seront sans aucun doute refusés faute de temps ou de trésorerie.

— La trésorerie, toujours la trésorerie. À croire que papa et toi n'avez que ce mot à la bouche, bouda la princesse. Pourquoi on ne fait pas comme les Lutaliciens ? Pourquoi on n'abandonnerait pas l'argent pour vivre en s'entraidant ?

— Abandonner l'argent peut fonctionner à petite échelle, avec une population qui a toujours vécu ainsi, tenta de la raisonner Wendy.

— Moi je pense surtout que ça fonctionne parce que Zuria est immortelle, commenta Sixircun. En tant que dirigeante, personne ne va chercher à l'évincer pour prendre le pouvoir et elle a assez d'autorité et de sagesse pour remettre dans le droit chemin les Lutaliciens qui profiteraient trop de ce système.

— Ils ont raison, appuya la reine. Abandonner l'argent pour vivre d'entraide est beau sur le papier, mais est totalement irréalisable. Même Senca, dont sa ville ne contient que peu d'humains, s'est résigné à passer par un système monétaire. Tu dis aussi que nous ne parlons que de trésorerie ton père et moi, mais n'oublie pas que cet argent ne nous appartient pas. Il s'agit avant tout de l'argent du peuple, de ton peuple, qui doit servir à améliorer leur quotidien. Ils ne comprendraient pas que l'on puise trop dedans pour aider des personnes qu'ils ne connaissent même pas alors que certains d'entre eux n'arrivent même pas à se nourrir à leur faim.

— Après les expériences que j'ai vécues concernant l'argent, j'ai l'impression de voler ces personnes en demandant de l'aide, avoua Fréone en baissant les yeux. Vous dites que certaines personnes ne mangent pas à leur faim ?

— Nous ne pouvons malheureusement pas venir en aide à tout le monde, même si nous le voulons, souffla la reine. Quant à l'accueil de ton peuple, il ne faut pas t'en sentir fautif.

Wendy tome 4 : Le sauvetage de LutalicaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant