Wendy tome 4 : Le sauvetage de Lutalica

Chapitre 8

 Trois jours étaient passés depuis l'incident qui avait mené à l'affrontement entre Drikinne et Kanti. Dans ce qui avait suivi, Wendy tirait une certaine fierté du rôle qu'elle avait joué. Son implication en tant que messagère avait sans aucun doute évité le bannissement du sanctuaire à la dragonne ancestrale rouge.

Après avoir prévenu Kanti de ce que sa mère comptait faire, celui-ci s'était rendu auprès de Drikinne pour l'aider à formuler des excuses qui pourraient toucher Hélène, puis l'accompagna jusqu'à elle pour que la dirigeante accepte de la recevoir.

Avoir l'autorisation de s'installer dans la ville était encore loin d'être gagné et le sujet n'avait même pas été abordé, mais au moins, la mère de Ména ne risquait plus l'expulsion. Les relations entre les deux étaient glaciales, l'une ne pouvant pardonner si tôt ce qu'elle avait fait à son fils et l'autre ne sachant pas comment réagir en sa présence autrement qu'en se faisant toute petite.

Tout le monde s'accordait à dire que cela finirait par s'arranger avec le temps. Que ce soit Kanti, Zelen, Akashi ou Wendy, la seule chose qui changeait selon la personne était le temps que cela allait prendre.

Au soir, comme elle l'avait promis à Zuria, l'adolescente était allée se confier à sa sœur. Bien qu'elle n'ait pas abordé, dans un premier temps, sa rencontre avec Filloré, et qu'elle préféra plutôt parler de l'affrontement entre Kanti et Drikinne ainsi que tout ce qui en avait découlé, Clara devina, sans que Wendy ne sache comment, qu'il était arrivé autre chose.

Presque honteuse de ne pas avoir abordé ce sujet en premier, Wendy raconta sa douloureuse rencontre avec Filloré. Si de l'inquiétude se lisait dans les yeux de Clara, elle ne chercha pas à l'interrompre. La douleur du sort qui l'avait plaquée contre la porte, l'erreur qu'elle avait commise en lui apprenant que la déesse de la vie originelle était morte, la décision que le dragon fou avait alors prise, l'adolescente évoqua absolument tout en étant parfaitement stoïque.

Enfin, elle parla de ce qu'elle redoutait le plus. De n'avoir été que bouleversée pendant quelques minutes avant de passer à autre chose, comme si tout ceci était finalement parfaitement normal. Avec un rire nerveux, elle se dit même qu'il était paradoxal qu'elle soit terrifiée à l'idée de ne ressentir aucune émotion alors que la terreur en était justement une.

Replaçant derrière l'oreille de sa sœur une mèche qui lui cachait une partie du visage, Clara en profita pour lui caresser la joue et lui relever doucement la tête pour qu'elle la regarde droit dans les yeux. Un sourire bienveillant illuminait son visage, comme si le fait de se confier à elle était un merveilleux cadeau qu'elle lui faisait.

— Je sais ce que tu ressens. Je connais ce sentiment, cette absence d'émotion et cette crainte d'avoir perdu quelque chose d'important, d'être brisée. C'est une armure que ton passé t'a forgée pour te protéger et qui parfois, même aujourd'hui, revient se coller à toi alors que tu n'en as plus besoin.

— Tu l'as aussi, cette armure ?

— Oui. Et elle continuera à m'accompagner toute ma vie. Cela ne veut pas dire que je ne ressens rien. Mes sentiments, mes émotions, restent intacts à l'intérieur. Elle viendra te protéger lorsque tu en auras besoin, mais tu apprendras, avec le temps, à l'enlever quand tu le souhaiteras.

Être comprise et rassurée, à la fois parce qu'elle n'était pas la seule à avoir ce problème et que son état n'était pas quelque chose de permanent et qui allait en s'empirant avec le temps suffit à ce que ladite armure tombe d'elle-même. Wendy fondit alors en larmes devant sa sœur qui ne tarda pas à la prendre dans ses bras.

Si, avec Zuria, elle avait pleuré à cause de ce qu'elle avait révélé et des conséquences qui allaient en découler, ces larmes-ci roulaient sur ses joues à cause du mal que Filloré lui avait fait. Différentes émotions se livraient une véritable guerre de territoire pour savoir laquelle dominerait. La peur et l'impuissance face à ce qu'elle avait subi se battaient donc avec le soulagement d'avoir retrouvé cette part d'elle-même qu'elle pensait continuer à perdre peu à peu ainsi que la nostalgie d'être ainsi consolée et soutenue par Clara.