Chapitre 2

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Gabriel déprimait seul dans sa chambre à Matignon qui empestait l'alcool. Assis sur le carrelage froid, une cigarette à la main, il n'arrêtait plus de penser à Jordan. Qu'avait-il fait ? Avait-il eu raison de rompre si froidement avec lui ? N'aurait-il pas plutôt dû écouter ce que Jordan avait à lui dire ? Gabriel se noyait dans ses regrets. S'il avait pu appeler Jordan, lui présenter ses excuses, en parler avec lui et se réconcilier, il l'aurait fait. Seulement, son égo était bien trop gros pour ça.

Quelques légers coups retentirent contre sa porte. Gabriel ne répondit pas, attendant que la personne de l'autre côté du mur s'en aille. Ce qui n'arrivait pas.

« Gaby ? Gaby, c'est Manu ! Je sais que tu es là, je sens ton odeur de vieil alcoolique d'ici. Ouvre-moi ! »

Gabriel souffla longuement. Il trouvait son chef vraiment chiant, mais il n'avait pas d'autre choix que de lui obéir. Il se leva avec difficulté, titubant jusqu'à la porte pour ouvrir à Emmanuel. Le président rentra en trombe dans la chambre du premier ministre.

« La vache, Gaby ! s'écria-t-il. Ça pue grave ici, on dirait que t'as laissé quinze cadavres en décomposition dans ta piaule. »

Emmanuel s'avança à pas rapides vers la fenêtre pour l'ouvrir, et un air doux et frais pénétra à l'intérieur de la pièce. Gabriel plissa les yeux à la vue de la lumière dont il s'était délibérément privé depuis plusieurs jours déjà.

« Écoute, continua Emmanuel. On a besoin de toi à l'Élysée. En plus, les élections européennes s'approchent.

- Je sais bien, Monsieur le président. »

Macron se retourna pour faire face à Attal et laissa son index glisser sur la poitrine de son ministre.

« J'adore quand tu m'appelles "Monsieur le président", dit-il en mordant sa lèvre inférieure.

- Arrêtez, je vais le dire à Brigitte...

- Brigitte ne me quittera pas quoiqu'il arrive.

- Je le dirai aux Français.

- Si les français peuvent penser que Depardieu n'est pas un violeur, ils peuvent aussi penser que je ne suis pas un homo refoulé. »

Emmanuel avait raison, et ça, Gabriel le savait bien. Il ne pouvait rien contre lui.

« Vous pourrez faire ce que vous voulez, Monsieur le président, mais mon cœur est déjà pris.

- Ah oui ? Par qui ?

- Ça ne vous regarde pas.

- Tu ne veux toujours pas me donner son nom ? Tant pis. Dans tous les cas, ça ne t'aura pas empêché de venir pleurer dans mes bras après avoir appris qu'il te trompait. Ça ne t'aura pas non plus empêché de me pomper après ça.

- Emmanuel ! »

Gabriel repoussa d'un geste brusque la main du président qui était jusque-là restée sur sa poitrine. Emmanuel fronça les sourcils.

« Soit, souffla-t-il en croisant les bras. Il n'empêche que si tu ne te pointes pas à l'Élysée demain, je devrais te virer. Et là, tu pourras dire adieu à ton salaire de premier ministre. »

Attal soupira. Il était déprimé mais, comme tout homme de pouvoir qui se respecte, il aimait l'argent. Il aimait son salaire de premier ministre, certes moins qu'il n'aimait Jordan, mais il l'aimait quand même.

« Je serai là. » dit Gabriel

Le président acquiesça et sortit de la chambre de Gabriel. Ce dernier profita du départ de son chef pour se rouler un gros joint. Le cannabis n'était toujours pas légal en France, mais pour une fois les arabes des cités lui étaient utile. La vérité, c'est qu'il ne savaient même pas si c'étaient des arabes.

« Quand est-ce que j'ai commencé à détester les arabes ? » murmura Gabriel pour lui-même

Il ne tarda pas à trouver la raison : Jordan. Il se remémorait alors ces nuits passées à écouter les monologues enflammés de son amant. « Je ne suis pas raciste, mais les arabes... » ; c'est ce par quoi Jordan commençait toujours ses phrases. À force d'entendre ses arguments, Gabriel avait fini par les détester aussi. Regarde ce que tu fais de moi, Jordan, pensa-t-il en tirant sur son joint. Regarde comme tu m'as rendu... Toi. Et fou de toi aussi.
Mais il était trop tard à présent. À cause de sa fierté, il ne pourrait jamais récupérer son bien aimé. Peut-être que c'était mieux comme ça. Après tout, leur amour était interdit. Ils n'étaient pas du même parti.

L'urne ou l'amour [Bardella x Attal]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant