Chapitre 10

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Le sang de Jordan ne fit qu'un tour. Le regard de Marine était sévère, et son ton grave et sec. Que pouvait-elle avoir à lui reprocher ? Son débat s'était pourtant relativement bien passé : il n'avait comme d'habitude pas vraiment fait preuve de ses compétences —qu'il ne possédait probablement pas—, mais jusque là rien d'anormal.

« Es-tu allé sur les réseaux sociaux depuis hier soir, Jordan ? demanda Marine

- Non, j'étais trop occupé avec Gabriel... »

La grande dame blonde soupira, comme si elle était déjà fatiguée du jeune homme qui venait à peine de la rejoindre. Elle sortit de sa poche son cellulaire portatif et ouvrit Tiktok. Il ne lui fallut que quelques secondes pour tomber sur le contenu qu'elle désirait partager à Jordan. Bardella n'en revint pas. C'était lui-même qu'il voyait. Partout. Lui-même, mais aussi Gabriel. Des dizaines et des dizaines de vidéos les montrant eux, se regardant passionnément dans les yeux, échangeant des sourires timides et amoureux. Eux, n'ayant pas réussi à simplement cacher à la France leurs sentiments jusque là enfouis, qu'ils avaient pourtant réussi à se cacher à eux-mêmes pendant des semaines. Et à présent, le pays savait. Pas seulement le pays ; le monde savait certainement aussi.

« Ça tourne beaucoup, dit la fille Lepen. Comment avez-vous pu vous montrer au grand jour d'une telle manière ?

- Je ne sais pas, Marine... J'ai essayé d'être discret, je te le jure sur la tête de Jean-Marie. J'ai fait de mon mieux pour rester de marbre, mais quand je suis arrivé sur le plateau et que je l'ai vu, en chair et en os, éclairant la pièce à lui seul, je crois que mon visage m'a trahi. Je l'aime, Marine. Je l'aime tant que je n'arrive plus à le cacher. »

Elle se tut quelques secondes, l'air pensive.

« Rentre dans leur jeu, déclara-t-elle

- Comment ça ?

- Rentre dans leur jeu, Jordan. Fais-leur savoir que tu as vu ces vidéos. Ris-en avec eux. De cette manière, ils penseront tous que c'est une blague.

- Tu es tellement intelligente... »

Gabriel s'endormait autour de la table des ministres. Sa nuit avait été si courte et mouvementée, il ne pouvait à présent pas s'empêcher de somnoler.

« Gabriel, murmura Gérald. Les sujets du jour...

- Les sujets ? »

Il secoua la tête d'un air confus. C'est ce qu'il aurait dû préparer la veille, mais il avait préféré passer son temps à batifoler avec Jordan. Il essayait tant bien que mal de se souvenir des thématiques à aborder.

« Ah oui, reprit-il. Nous devons décider du budget accordé à la campagne contre les violences sexistes et sexuelles organisée par le ministère de l'intérieur. Vous n'êtes bien sûr pas sans savoir que les agressions reportées sont en hausse et que les femmes réclament des mesures supplémentaires de la part du gouvernement. »

Gérald Darmanin souffla fort en ajoutant que les femmes étaient des menteuses, qu'elles aimaient accuser à tort et qu'il ne serait bientôt plus possible de draguer dans la rue. Gabriel leva les yeux au ciel. Il en avait marre : tout le monde s'était visiblement décidé à lui casser les couilles aujourd'hui. Jordan, Emmanuel, et maintenant Gérald. S'en était trop pour lui : il frappa violemment la table de ses deux mains et se releva brusquement.

« Normal que ça te fasse chier, Gérald ! T'es un agresseur sexuel ! Si c'était pas juste pour faire chier les français et si t'avais pas sucé Emmanuel, tu serais déjà plus au gouvernement. Alors maintenant tu vas bien fermer ta grande gueule au lieu de me les briser, ok ? Je t'ai demandé ton avis sur le budget, pas sur la cause, merde. »

Darmanin restait sur le cul. Il se demandait ce qui se passait derrière les murs de Matignon pour qu'Attal soit aussi aigri. Gabriel se rassit silenceusement et toussota. Il s'était laissé emporter malgré lui.

« Bref, soupira le premier ministre. Le budget. Si on engage un graphiste débutant et qu'on fait imprimer tout ça chez Vistaprint, on devrait pouvoir s'en sortir pour environ mille euros. »

Bruno Le Maire souffla fort à son tour car c'était trop d'argent perdu qui aurait pu aller dans les poches de Bernard Arnault. Gabriel en eut marre. Il quitta la pièce en trombe sans ajouter un mot.

L'urne ou l'amour [Bardella x Attal]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant