10. Terre Grise

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X.

— À ce soir.

Tobias embrassa ma joue avant de s'en aller travailler et je le regardai partir, cet éternel sentiment alourdissant ma poitrine.

Je soupirai et pris la direction de la bibliothèque. Mornej avait assigné un nouveau devoir et mon état n'allait pas m'empêcher d'être productive.

Encore un effort.

Je passai aux toilettes et me passai de l'eau sur le visage. J'avais la mine bien trop pale. Le blanc de mes yeux était rouge de fatigue. Mes cernes alourdissaient mon regard brun et terne. Je ressemblai à un zombie.

Je recoiffai mes longs cheveux en arrière et les maintint en place avec un bandeau trouvé dans le fond de mon sac. J'attachai la ceinture de mon manteau autour de ma taille et repris ma route.

Ce n'était pas un coup de fatigue qui allait m'avoir. J'avais surmonté pire que ça.

Je pénétrai dans le couloir peu fréquenté de la bibliothèque et longeai les baies vitrées. Mon attention s'aventura sur la cour de l'université que je vis de haut et je m'arrêtai en apercevant cette silhouette me saluer de loin.

Mornej se tenait debout face à mon bâtiment avec d'autres professeurs. Une cigarette à la bouche, il leva sa main dans ma direction en me reconnaissant à travers la fenêtre.

Je ne savais pas qu'il fumait.

Je lui rendis timidement son geste et vis les autres se tourner dans ma direction. Le Blanc était là aussi. Dos à moi, il pivota et me scruta depuis le bas.

Contre toute attente, il me salua d'un mouvement de la tête mais je ne réagis pas.

Le voir ne fit qu'augmenter mon angoisse. Il savait tout. Pouvais-je vraiment lui faire confiance ?

De par son statut, il disposait de plus grandes ressources que moi et je voulais en profiter. Je refusais de m'être confiée sans but.

Je réfléchis à un moyen de m'adresser à lui sans avoir à le confronter directement, comme le contacter par message... Mais cela laissait des traces. Je n'en voulais pas.

Je serrai la mâchoire, frustrée. L'idée de me poser face à lui pour discuter de la situation me rebutait.

Je me reculai après un moment et disparus de leur champ de vision à tous.

En déambulant dans la bibliothèque, j'aperçus Rose assise à une table près du mur, seule, en train de lire.

— En train de réviser ? lui dis-je en m'approchant.

Elle releva la tête et haussai des sourcils en me reconnaissant. Ses longues twists étaient regroupées dans un gros chignon haut duquel dépassait deux longues mèches de chaque côté de son visage.

— Tueloup. Je me demandais quand tu allais arriver. T'es là plus tôt d'habitude.

J'esquissai un faible sourire et inspectai les alentours avant de reposer les yeux sur elle.

— Je peux m'asseoir ici ? Je ne te dérangerai pas, promis.

Elle acquiesça avec enthousiasme d'un rapide geste de la main et je pris place face à elle avant de sortir mon ordinateur. Je me donnais trois heures pour commencer et terminer.

— T'as vraiment mauvaise mine.

Rose abaissa son livre pour m'observer. Je ricanai doucement et secouai la tête sans la regarder.

— Merci, répondis-je.

— Non, sérieusement. Je ne t'ai jamais vu comme ça. Et ton message d'hier me fait penser que quelque chose ne va pas.

Le MarionnettisteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant