12. Morte

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XII.

J'entendais au loin le pianiste s'adonner au clavier d'une façon qui me déplaisait. La mélodie était juste mais il lui manquait du charactère ; quelque chose impossible à identifier qui de part son absence renforça mon agacement.

— Tu as sale mine.

Je fermai les yeux au son de cette voix et ne me retournai pas. Mes deux cocktails commençaient à faire effet et je sirotai nerveusement le troisième.

Victor me rejoignit sur le patio à l'extérieur et je l'observai du coin de l'œil.

Cela faisait à peine une heure que j'étais arrivée et je crevais déjà d'envie de repartir. Mais je n'avais pas encore vu Mornej. Je ne pouvais pas partir sans qu'il atteste de ma présence.

Sans que je ne lui pose mes questions.

Le Blanc m'étudia d'un air satisfait ; son regard s'arrêtant un instant sur mon collier de perles avant de scanner sur le reste de ma tenue. Je claquai ma langue contre mon palais et secouai la tête d'un air irrité.

— Qu'est-ce que tu veux ? dis-je en buvant une gorgée. C'est toi, le tueur qui veut ma peau ? Ça ne m'étonnerait même pas. T'as toujours l'air louche.

Il haussa les sourcils face à tous mes reproches et ricana.

— Louche ? s'amusa-t-il en se plantant à côté de moi. Et quelles seraient les raisons qui me pousseraient à te terroriser ? Tu es juste...

— Pitié, épargne-moi tes insultes. Pas ce soir.

Mes yeux assassins rencontrèrent les siens. Je n'arrivais plus à contenir mes émotions et l'alcool débridait peu à peu mon cerveau.

— Va emmerder quelqu'un d'autre, Victor. Sérieusement.

— Quelqu'un d'autre...

Il se retourna lentement pour observer la petite foule restée à l'intérieur.

— Qui pourrais-je bien emmerder... ?

Il fredonna un son lent, songeur, et je le regardai du coin de l'œil en secoua la tête avec agacement. Se jouait-il encore de moi ?

— Maintenant que j'y pense, j'humilierai bien Numéro Treize comme la dernière fois.

Je ricanai amèrement et repris une gorgée. Encore un mot sur Enzo et je vrillais.

— Je savais que t'étais du genre sadique.

— Je ne le suis pas.

Son attention pesa sur moi avec sérieux.

— Peu importe, grimaçai-je en agitant ma main comme pour chasser une mouche. C'est le minimum qu'il mérite, ce sale...

Je terminai mon verre et sifflai entre mes dents lorsque la liqueur brûla ma gorge. Victor ne posa pas plus de question et se repositionna face au jardin en face de nous.

— Puisque je suis ton nouveau suspect, voire ton tueur, devrais-je le tuer lui aussi ?

Je fronçai des sourcils et tournai la tête dans sa direction. Les yeux rivés droit devant, il avait les mains dans les poches et cette attitude méprisante que je lui détestais.

— Quoi ?

— Veux-tu que je le tue ? se moqua-t-il en sentant mon regard.

Son rire me mit hors de moi. Comment pouvait-il dire une chose pareille ?

— Un détraqué égorge des innocents pour m'intimider et tu oses me faire ce genre de blague ?

Victor ne trouva pas en moi son public et il leva les yeux au ciel, ennuyé.

Le MarionnettisteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant