1. L. Tango 🌸🍋

2K 168 455
                                    

Les ruelles défilent sous mes yeux et calé à l'arrière du véhicule, entre le bouclé et le brun qui vient de raccrocher son téléphone, je me penche pour m'attarder sur les silhouettes qui avancent sur le trottoir, emmitouflées dans d'épais mantaux.

Des touristes pour la plupart, portables dégainés malgré les flocons de neige qui tombent en ce mois de décembre. Ils photographient les devantures décorées des magasins de luxe des Champs-Elysées, comme s'ils avaient l'impression de s'offrir une petite part de ce rêve. La plus belle avenue du monde, c'est comme ça qu'on l'appelle.

Ici se côtoient ceux qui ont les moyens d'entrer dans ces boutiques et ceux qui se contentent de baver devant les vitrines.

Le monde fonctionne comme ça. Il y a ceux qui bouffent, et ceux qui se font bouffer.

C'est un truc que j'ai compris très vite. Et, déjà tout gosse, je savais très bien de quel côté je voulais me placer. Voir sa mère bosser comme une dingue pour un salaire de misère et y laisser sa santé, ça vous aide à prioriser les choses dans la vie.

Alors que l'obélisque de la place de la Concorde se dresse devant nous, Salsa indique au blond de tourner à gauche, d'un léger geste de la main. Le jardin des Tuileries disparait de ma vue.

J'aime bien m'y promener quand je suis à Paris. Le remonter jusqu'au Louvre, comme une mise en jambes avant d'aller dans mon aile favorite du musée : les peintres d'Europe du nord. J'y ai passé beaucoup de temps ces dernières semaines. Ils m'ont toujours fasciné. Vermeer, Bruegel et, mon préféré, Rembrandt.

J'ignore combien d'heures j'ai passé là, à étudier toutes ces toiles et leurs jolis cadres. À chaque fois, c'est un gardien qui est venu me dire qu'il fallait partir car le Louvre s'apprêtait à fermer.

Le véhicule, un gros SUV noir, parcourt quelques centaines de mètres et tourne à droite pour remonter la rue Saint-Honoré en direction de la place Vendôme. On roule à l'allure prévue mais une femme traverse sauvagement devant nous, les mains chargées de sacs Chanel et Louis Vuitton.

Elle doit avoir l'habitude de se foutre de tout. Comme si le monde devait se plier à ses quatre volontés. Elle n'a même pas remarqué qu'elle a failli terminer sur notre pare-chocs.

Le blond a dû piler. Salsa s'emporte et la traite de connasse. Moi qui suis assis au milieu, mon corps part vers l'avant et c'est le bras ferme du bouclé qui me retient et m'empêche de finir la tronche encastrée dans le tableau de bord. Lui aussi grogne mais contre notre chauffeur. Il lui dit de rester "concentré, putain". Il n'a pas vu la bourgeoise qui a traversé en dehors du passage protégé. Il ne sait pas pourquoi on vient de freiner si fort. Je pose mon gant sur sa cuisse pour le tranquilliser et il semble se calmer.

Alors qu'on arrive, je ferme brièvement les yeux et revoie le visage de ma mère qui me dit : "un jour, je t'emmènerai à Paris". Elle n'a pas eu le temps mais depuis son décès, j'essaie de venir ici au moins une fois par an. Et je pense toujours à rapporter un petit souvenir avec moi.

- On y est ! lâche Salsa avec le sourire.

Le métis est le premier à sortir, suivi des autres. Je suis le mouvement et me décale du côté du bouclé. Mais son large dos fait volte face, le haut de son corps re-rentre dans le véhicule, stoppant ma sortie, et ses mains se posent sur mes joues pour me voler un baiser.

C'était à son image, brusque, violent et passionné, et ça m'arrache un sourire en coin malgré la surprise. Lui me fait un clin d'œil juste après ça et, satisfait, me tourne à nouveau le dos.

Je suis le dernier à sortir et quand je me retrouve sur le trottoir, je sens l'air frais s'engouffrer dans mes poumons. Ça m'aide à me remettre les idées en place. Il a le chic pour me faire oublier jusqu'à mon nom quand il m'embrasse comme ça.

Paroles brûlantes || OS Larry et ZiamOù les histoires vivent. Découvrez maintenant