Des mots pour soigner tes maux

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Adriana

Plusieurs minutes maintenant que je suis réveillée, le réveil face à moi m'annonce qu'il est quatre heures du matin, Ice s'est lové contre moi et le doux ronflement qui s'échappe de sa bouche m'informe qu'il est bien endormi.

Je déteste ces moments de solitude plongés dans le noir, en tant normal j'ai pour habitude de me lever peu importe l'heure, mais aujourd'hui, les bras qui m'entourent m'en empêche et mon cerveau se met alors à refaire le monde, plus particulièrement le mien.
Je ne me fais pas d'illusion, j'ai beau essayer de faire en sorte qu'Ice ne sache jamais rien, mes sautes d'humeurs et mes demi-mots comme il aime les appeler, lui mettent la puce à l'oreille. Il sait que je lui cache quelque chose, que je ne vais pas bien au fond, je le vois dans ses yeux et ses mimiques. Quand il fronce les sourcils et penche la tête sur le côté, c'est signe qu'il tic et c'est donc mon signal pour prendre la fuite avant de faiblir et de tout lui avouer, je ne dois pas, je ne peux pas, il me regarderai différemment, me quitterais peut-être et ça me tuerais.

J'essaie de trouver une solution, de me sortir la tête de l'eau, mais j'ai l'impression d'avoir coulé si profondément qu'il m'est impossible de remonter à la surface. Je me pensais plus forte, mais au final, j'ai toujours eu peur de mon frère, de ses coups, et encore une fois, j'ai faibli, j'ai osé espérer que ces quatre mois au Mexique m'apporteraient la force et la colère nécessaire pour avancer, pour retrouver ma combativité d'antan, mais a-t-elle seulement existé ?
Je ne sais pas, je ne sais plus, je ne me souviens même pas de celle que j'étais avant le premier coup, avant que je ne découvre le monstre instable qui se cache derrière le doux prénom de mon frère. Le diable au prénom d'ange, quelle ironie.
Il était toujours là, il faisait toujours en sorte que je ne l'oublie pas, que je sache que peu importe l'heure ou l'endroit, il frapperait, j'ai pourtant deux autres frères qui ont toujours été des merveilles pour moi, je sais qu'ils m'auraient écouté, soutenue et aidé, mais ils sont proche d'Angel surtout Ívan, et je ne voulais surtout pas qu'ils deviennent à leurs tour des cibles, sans savoir que derrière le viseur se cache en fait leur frère de sang.

Notre oncle a obtenu notre garde après le décès de mes parents, c'était il y a onze ans. Angel avait alors treize ans, Ívan onze, moi huit et Javíer seulement trois. Avant ça, nous étions une fratrie très soudée, toujours à se soutenir et à veiller les uns sur les autres, il n'était pas difficile de nous retrouver à faire des bêtises ensemble, Javíer était bien trop petit pour ça, mais déjà, il était ce petit garçon espiègle et plein de malice, il est la prunelle de mes yeux.
La perte de nos parents a mené Angel jusque dans les ténèbres, il n'a plus jamais été le même, il s'est fait la promesse de venger nos parents et depuis toujours dans sa tête, une seule personne peut en être la responsable, mon oncle, le propre frère de mon père.

Il est tellement aveugler par sa haine, qu'il n'a jamais remarqué à quel point leur disparition à détruit mon oncle, il aimait mon père, profondément, ils ont grandis et évolués ensemble, se sont élevés l'un l'autre au sommet pour bâtir les Los Hermanos, mon père en était le près, et mon oncle le VP. Je n'ai jamais compris qu'Angel puisse le rendre coupable d'une telle atrocité quand on sais qu'ils était le pilier l'un de l'autre.
Mon frère a toujours été instable, animé par la violence et la colère, je n'en avais jusqu'à ce fameux jour, jamais été la victime, il était doux, aimant, le grand frère protecteur que chaque petite fille rêve d'avoir. Il apprenait à faire faire des bêtises à la petite fille sage que j'étais, il m'a appris à me battre, à me défendre, à être forte et fière, seulement, pas contre lui.

Je n'arrive pas à comprendre comment il a pu s'allier aux Whites, ses hommes sont de la pire espèce et leur réputation n'est pas à faire. Si les Hell's Snakes et les Los Hermanos sont craints, ils sont surtout respectés, oui, ce ne sont pas des tendres, mais contrairement aux Whites, eux, ne s'en prennent jamais aux innocents, aux femmes ni aux enfants. Ces ordures n'ont aucun scrupule, aucune limite. Je peux dire que dans mon malheur, j'ai eu de la chance, ils n'ont pas manqué d'évoquer ce qu'ils rêvaient de me faire, et plus d'une fois j'ai prié pour mourir avant qu'il n'agissent.

- À quoi tu penses? Me dit soudainement la voix rauque d'Ice

- À rien tout vas bien ne t'inquiète pas.

Je l'entend souffler, il se dégage de mon contact pour s'allonger sur le dos, une main sur les yeux et l'autre derrière la tête.

- Je sais que tu ne m'as pas tout dit...

Je cesse de respirer à cet instant. Je le savais, je m'en doutais, mais qu'il me le confirme m'effraie, qu'il lance la conversation sans que personne ne puisse me servir d'échappatoire me fait froid dans le dos. Je n'ai pas peur de lui, j'ai peur de le blesser, de le décevoir.

- Mais je sais aussi que tu n'es pas prête, continue-t-il. Seulement, je veux que tu saches que lorsque tu sentiras que c'est le moment, je serais là. Je t'ai choisi Adriana, pour le meilleure et pour le pire. Et je sais que le pire tu le garde en toi en ce moment, je respecte le fait que tu aies besoin de temps, je te demande juste de ne pas oublier que si tu es malheureuse, je le suis, si tu as mal, j'ai mal, mais toujours, je te le promets je te soutiendrais, je remettrais ce sourire que j'aime tant sur ton visage, j'allègerais ta souffrance, je partagerais ton fardeau. C'est la promesse silencieuse que je t'ai faite en te prenant pour régulière Adriana. On doit se faire confiance, partager nos joies et nos peines, nos rires et nos larmes, on n'avance pas l'un sans l'autre, mais toujours ensemble, l'un à côté de l'autre, main dans la main. On est une équipe Adriana, et les secrets détruisent les équipes alors que les mots apaisent les maux et nous font avancer. On sera toujours plus forts ensemble...

Je ne sais pas quoi dire, je m'attendais à tout sauf à cette déclaration, il me regarde et j'en fais de même, aucun n'ose parler. Je ne parviens pas à lui répondre quoi que ce soit, tant je culpabilise. Je le vois se lever, enfiler un pantalon et refermer la porte derrière lui, moi ? Je pleure tout ce que je peux dans cet oreiller qui encaisse ma peine et ma rage.

Hell's Snakes MC #3 :  Ice & Adriana Où les histoires vivent. Découvrez maintenant