« Tu vas rester ici quelques heures, Tim. Je reviens vite, c'est promis. »
Je passe ma main dans ses cheveux fins de bébé mais Timothée ne m'accorde pas un regard. Ses petites mains potelées jouent avec des figurines en vinyle qu'il agite dans tous les sens en babillant avec sa voix de poupon. Tim est dans son monde rempli d'imaginaire et d'innocence et je me battrais jusqu'à la fin pour qu'il garde cette candeur, cette âme d'enfant.
Mes lèvres viennent se poser sur le haut de son crâne et j'inspire profondément. Son odeur de bambin emplit mes narines et ça me réconforte quelques instants puis je me relève.
Madame Carnon, Betsy pour tous les jeunes du quartier, me barre le passage avec ses bras croisés. Ses yeux me lancent des éclairs et je n'arrive pas à soutenir son regard. Du haut de ses soixante-dix ans, cette femme a une poigne de fer et elle a vu grandir des dizaines d'enfants dans les petites rues de cette banlieue. Betsy est notre grand-mère à tous. Elle qui n'a jamais eu d'enfant s'est rattrapée avec tout les jeunes d'ici et il n'est pas rare qu'elle organise des goûters le mercredi après-midi dans son jardin. Souvent, les parents la prennent comme baby-sitter et elle adorait ça.
« Merci de garder Tim, dis-je pour détourner l'attention. Je serais de retour dans quelques heures...
Cette vieille dame m'a vu grandir. Lorsque mes parents sont morts, c'est elle qui m'a appris à m'occuper de Tim. J'avais tout juste dix-huit ans et Tim avait à peine quelques mois. Il était hors de question qu'il aille en foyer et, même si je n'avais jamais changé une couche de ma vie, je me suis donné corps et âme pour le garder près de moi. Sans Betsy, je n'aurais jamais tenu le coup. À chaque fois, la porte de sa petite maison était ouverte.
Je n'ai pas été une tutrice parfaite mais mon petit frère n'a jamais manqué de rien. Mes parents ne nous ont pas laissé grand-chose, nous n'avons jamais eu beaucoup d'argent mais cette maison, dans cette rue, elle est à nous. Betsy habite juste en face.
- Es-tu certaine de ce que tu comptes faire, Sofia ? S'enquit-elle. »
L'inconvénient lorsqu'on tente de mentir à quelqu'un qui nous a toujours connue, c'est qu'il est difficile de donner le change. Je hoche timidement la tête en serrant les poings tandis que la colère pulse à l'intérieur de mes veines. Cette colère, je la contiens depuis que je suis partie du parc avec Tim et je sais qu'il faut que je fasse quelque chose.
Ici, je sais que Tim ne risque rien. Je traverse le salon et, lorsque j'arrive au niveau de Betsy, elle m'arrête et me prend dans ses bras. C'est la première fois qu'elle manifeste son affection autrement qu'avec un gâteau au chocolat ou une tarte aux pommes. Quelque part, je sais qu'elle sent que tout va basculer ce soir. Ça devrait me faire peur mais tout ce que je sens, c'est l'adrénaline qui s'est infiltré partout sous ma peau. Je lui rends son étreinte avant de sortir de la maison.
C'est l'enfant que j'ai été que je laisse derrière moi. Je pensais être devenue adulte lorsque j'ai appris la mort de mes parents et pourtant, je sais que c'est ce soir que tout va changer.
Au fur et à mesure que j'approche de l'usine désaffectée, je sens une rage douloureuse prendre le contrôle de moi. La nuit est tombée depuis plusieurs minutes maintenant, je croise plusieurs camés sur le chemin et je dois me concentrer pour ne pas poser mon regard sur eux. Ici, ce n'est pas un quartier très bien fréquenté mais là, maintenant, c'est le cadet de mes soucis.
Une odeur de souffre et de canalisation flotte autour de l'usine désaffectée. Aucune lumière n'est allumée si bien qu'il est impossible de deviner ce qu'il se passe à l'intérieur. C'est la première fois que je viens ici, c'est le repaire de Louis. Pas le mien. Je préfère rester en dehors de ses histoires mais là, ça concerne Tim. Quelque part, j'y suis déjà mêlée.
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Réinsertion
RomanceQuatorze candidats. Sept criminels détenus, sept civils. L'objectif des civils : démasquer les détenus pour augmenter leur cagnotte. Celui des détenus : aller au bout du jeu et gagner une seule chose : leur liberté. Saurez-vous les démasquer ? Ne ra...