Vendredi 5 juillet 2024

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Comme ils nous l'avaient promis, nous n'avons pas eu de colis de nourriture. Tout ce que nous avons, c'est la douce chaleur du feu et le gargouillement agressif de nos estomacs.

Tout le monde est renfrogné, c'est fou à quel point la faim peut rendre aigri. La faim, et surtout la pluie. Je ne sais pas comment ils s'y prennent pour recréer de la pluie à l'intérieur de la bulle, toujours est-il que ça n'a pas arrêté depuis ce matin. Ça change du soleil cuisant...

Nous sommes tous sous les arbres à tenter de nous abriter de l'eau. Achille et Sullivan ont tendu une toile au-dessus du feu pour le protéger et je les sens à l'affût à la moindre fuite. D'ailleurs, Achille ne m'a pas accordé un regard depuis notre moment pendant l'heure CSA. Pourtant, je l'ai entendu se lever la nuit mais j'ai fait le choix de ne pas le rejoindre : s'il ne veut pas assumer de me parler devant tout le monde, c'est son problème. Moi, je ne me cacherais pas.

Edgar, comme à son habitude, rôde dans la pénombre. Il observe les femmes de l'île et, d'une manière instinctive, nous nous en éloignons toutes. Si seulement j'avais le courage de décrocher sa bannière, j'aurais réglé ce problème dès le premier jour mais ça me fait bien trop peur...

Madeleine et Joséphine ont réussi à se procurer un jeu de cartes et elles ont entamé une partie avec Ninon, Charles et Léonie. J'ignore comment elles ont réussi à l'avoir, j'avoue que je suis un peu jalouse. Ici, il n'y a rien d'autre à faire qu'attendre. J'évite soigneusement de regarder Achille mais il est inutile de chercher : Yulia est certainement encore collé à lui. Elle le suit où qu'il aille.

Samuel a ramassé un bâton dans la forêt et nous avons entreprit un morpion dans le sable. J'ai gagné les deux premières parties mais Sam est en passe de gagner la troisième. Je n'en reviens pas que mes journées se résument à ça, maintenant.

« Ça me rappelle mes heures de permanence à l'université, dit Samuel d'un ton mélancolique. On passait des heures à ne rien faire...

- C'est à ça que ressemblaient tes études supérieures ? Du morpion tracé dans le sable ? Ironisai-je.

- Presque, oui ! J'étais en fac d'histoire, se remémore-t-il. C'était chouette.

- Personnellement, ma licence de chimie avait surtout le goût de tequila.

- Ses années là passent bien trop vite, poursuit Samuel. Et on ne s'en rend compte que lorsqu'elles sont finies.

- Tu parles comme un vieux alors que tu as quoi, vingt-trois ans ?

- Et alors ! Il n'est jamais trop tôt pour être nostalgique. Surtout quand on à rien d'autre à faire...

- Tu as étudié l'histoire, donc. C'est marrant, je trouve que ça te va bien ! Commentai-je.

- Merci. Toi, en revanche, je n'aurais jamais deviné que tu avais fait de la chimie !

- Et pourtant. Comme quoi, je ne suis pas qu'un livre ouvert.

- Pourquoi la chimie ?

- Je ne sais pas trop. Quand j'étais petite, j'étais passionnée par la nature, les écosystèmes... Et quand j'ai grandi, j'ai trouvé un intérêt à l'écologie.

- À l'écologie ? Vraiment ?

- Je fais partie des gens qui ont de l'espoir, expliquai-je en soupirant. La pollution, la couche d'ozone... J'aime penser qu'un jour, il y aura une avancée scientifique essentielle qui réglera ses problèmes là.

- D'accord, Sofia veut sauver le monde, raille une voix moqueuse derrière nous. Tu crois que c'est ta petite licence en chimie qui va t'y aider ?

Nous nous retournons et trouvons Yulia, à côté d'Achille. Elle me toise du regard et je me sens rougir de honte.

RéinsertionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant