M. Charles Duval
à la 10ème compagnie du 90 ème territorial
à Magnac laval
Haute VienneLe 28 septembre 1914
Mme Marie Dubois
7 rue des Lilas
ReimsMa très chère dulcinée,
Cela fait à peine quelques jours que je ne vous ai pas vu, pourtant cela me semble être une éternité.
Je perds lentement la notion du temps, mais l'idée de vous revoir me fait tenir bon. Je ne peux m'empêcher de penser à vous, chacune de mes pensées vous sont dédiées. Vous me permettez de penser à autre chose qu'à cet endroit, vous me permettez de m'échapper. Je m'imagine constamment dans ce parc où nous nous sommes rencontrés. Rappelez-vous de notre rencontre ? Moi, je m'en souviens comme si elle datait d'hier. Vous étiez assise sur un banc, éloignée de tout le monde, seule dans votre petit monde. Un crayon à la main et un calepin dans l'autre. Vos longues jambes vêtues d'un collant étaient croisées avec élégance, permettant à votre carnet de reposer sur vos genoux. Vous ne m'avez pas remarqué, je n'étais qu'une personne parmi d'autres pour vous, pourtant moi je vous avais aperçu. J'avais remarqué votre petit nez se froisser et vos lèvres se pincer lorsque vous vous concentriez, quand votre crayon bougeait avec délicatesse sur la feuille de papier. A partir de ce jour-là, je n'arrivai plus à penser à autre chose que vous lorsque je venais me balader ici. Je revenais tous les jours au même endroit avec l'espoir de vous revoir. J'ai eu du mal à vous quitter, je n'arrivais plus à ôter mon regard de votre silhouette envoûtante mais c'est vous qui en avait décidé autrement. Vous vous êtes levée pour partir et je n'ai rien fait pour vous retenir. C'est comme si vous m'aviez ensorcelé et que je ne pouvais plus bouger. Dès cette première rencontre, je désirais vous revoir avec hâte. Mais vous ne m'avez pas rendu la vie facile, n'est-ce pas ?
Je chéri chaque jour ce beau souvenir de la fois où mon regard s'est posé pour la première fois sur vous.
Je me sens plus que chanceux d'avoir ces souvenirs pour me faire tenir dans les moments les plus sombres, vous êtes ma lumière dans l'obscurité ma tendre Marie.
Je n'ai pas à me plaindre, je vous ai vous, tandis que d'autre n'ont personne, ni famille, ni amis, ni amant, ni rien. Ils sont seuls face à la peur.
J'ai peur ma chère, je tremble à l'idée de devoir utiliser l'arme qui se trouve entre mes mains. Cette arme qui pèse lourd me rappelant constamment le poids de ces actions. L'idée de devoir tuer me révulse. Cependant ai-je le choix ? Je ne crois pas, soit je ne tue pas mais je me fais tuer, soit je tue ce qui me donne une chance de survivre. Un dilemme qui ne paraît pas si difficile en apparence, mais ma morale me l'interdit. Arriverais-je à appuyer sur la détente lorsque la mort se présentera devant moi ?
Je voudrais tellement retourner chez nous, pour vous retrouver mais également tourner le dos à toutes ces réflexions qui tourbillonnent en moi telle une tempête qui se déchaîne. Cependant, jamais je ne pourrais tourner le dos à mon pays. À la France. Celle qui nous héberge depuis que nous sommes enfants, celle qui, je l'espère, hébergera nos enfants.
Je ne veux pas que ce bon pays disparaisse alors je ferais ce que j'ai à faire pour le garder, même si cela signifie aller à l'encontre de ma morale.
Cela n'empêche pas que j'ai hâte de pouvoir vous retrouver même si la date de cette retrouvaille m'est inconnue. Je voudrais tellement vous serrer à nouveau dans mes bras, sentir votre odeur autour de moi.Vous me manquez,
Votre amant Charles.
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Born to die
Historical FictionL'amour peut-il résister à la guerre ? Marie et Charles sont tombés amoureux le 17 avril 1914 dans un parc. Quelques mois plus tard, Charles est mobilisé. Durant un ans, les deux amants ne se verront plus que quelques semaines, à la faveur des rares...