Mme Marie Dubois
7 rue des Lilas
ReimsLe 1er novembre 1914
M. Charles Duval
à la 10ème compagnie du 90 ème territorial
à Magnac laval
Haute VienneMon cher soldat,
Recevoir de vos nouvelles illumine mes journées, dès l'instant où votre enveloppe s'est trouvé dans le creux de mes mains, je n'ai pu m'empêcher de la déchirer pour y lire son contenu. Je suis autant rassurée qu'attristée par vos mots. Sachez que vous me manquez terriblement. Depuis des jours j'attendais avec impatience votre lettre. Chaque matin, je prends place près de la boîte aux lettres en attente de votre courrier. Depuis votre départ, je ne cesse de compter les jours qui passent. Cela fait à présent deux semaines que nous nous sommes quittés, pourtant j'ai également l'impression que cela fait une éternité. Rappelez-vous de votre départ ? Du jour où nous nous sommes enlacés pour la toute dernière fois ? Vous étiez vêtu de votre uniforme militaire neuf, parfaitement repassé sans aucun plis. Vos cheveux était coupés courts faisant disparaître vos bouclettes que je chérissais tant. Un sac à dos rempli d'affaires était installé sur vos deux épaules et votre cœur était lourd à l'idée de nous quitter. Je me souviens de vos bras autour de moi, de votre corps se pressant contre le miens, de votre étreinte réconfortante et à la fois rempli d'angoisse. Je pouvais voir votre peur dans vos prunelles à l'idée de faire face à la mort, à l'idée de partir pour l'inconnue et de devoir vous battre alors que vous ne vous y connaissiez ni en arme, ni en combat. Vous aviez l'impression de partir pour la mort, une mission suicide. Comment un homme peut-il défendre son pays lorsqu'il ne sait même pas se défendre lui-même pour survivre ? Même avec la peur qui vous serrait le ventre, vous aviez sur votre visage ce magnifique sourire que j'arrive à revoir en fermant les yeux. Ce sourire qui rassurait tout autant votre mère que moi. Je regrette de ne pas vous avoir tenu plus longtemps dans mes bras. Je regrette de ne pas pu avoir apprécier plus longtemps vos lèvres pressées contre les miennes. Je regrette de ne pas avoir pris plus de temps pour me blottir contre vous. Je regrette de perdre votre odeur chaise jour. Je regrette de vous avoir laissée partir. Je regrette tellement de chose mais certainement pas notre amour.
Vous me manquez terriblement. Sans votre présence à mes côtés, je ne peux plus rien faire. J'occupe mes journées comme je peux mais cela n'est plus comme avant. Nos balades me manquent, votre main au creux de la mienne qui me rassurait à chacun de nos pas dans le parc aussi. Tout cela me manque. Je n'arrive plus à aller me balader à notre endroit, je me sens tellement triste quand je m'y trouve que je ne le supporte pas. Je vous attendrais mon cher pour y remettre les pieds.
Bien évidemment que je me souviens de notre rencontre, je me souviens de la première fois où je vous ai vu à travers la foule. Cela faisait un petit moment que je n'étais pas revenue au parc mais cette matinée-là je savais que je devais y aller. Alors je me suis posé sur le banc comme à mon habitude. Mes yeux scannaient les gens à la recherche de ma nouvelle inspiration et c'est là que je suis tombé sur vous, en train de me regarder. Il y avait quelque chose dans votre regard qui m'indiquait que je n'avais pas besoin d'avoir peur, bien au contraire, il y avait une lueur magnifique, une étincelle de joie qui me rassurait. Alors je me suis mise à vous dessiner, retranscrivant sur le papier la forme carré de votre mâchoire, le mouvement de vos cheveux châtains au vent, votre nez fin, vos yeux verts perçants et vos lèvres charnues. Je dessinais avec délicatesse chacun de vos traits, essayant d'être le plus précis possible. Votre regard ne me quittait pas une seule seconde, pourtant vous n'aviez pas remarqué que je vous avez choisi comme modèle. Une fois mon œuvre terminée, je me suis mise à marcher dans votre direction. Je me rappelle encore de la surprise qui passa dans vos yeux en vous apercevant que je me dirigeais vers vous. Nos mains se sont frôlées pour la première fois lorsque je vous ai donné la feuille en papier. Je n'avais jamais ressenti cela auparavant, ces sensations dans mon bas ventre comme si des milliers de petits papillons se mirent à voler à l'intérieur de moi. Je savais que c'était le début d'une grande histoire. A partir de ce jour-là, je suis allée tous les jours dans ce parc en espérant vous revoir. J'ai été surprise de vous apercevoir quelques jours plus tard sur mon banc.
A présent, je n'arrive plus à dessiner, mon inspiration m'a quitté en même temps que vous. Vous êtes ma muse, sans vous le désir de m'exprimer à travers l'art n'existe plus.
Vous êtes brave et courageux, mon amour. Je suis contente de pouvoir vous appeler ainsi, j'en suis très fière.
J'ai hâte de pouvoir vous retrouver et de vous savoir en sécurité dans mes bras.
Mon cœur se serre à l'idée de ne peut-être pas recevoir de vos nouvelles à nouveau. Je ne le supporterais pas, écrivez moi autant que vous le pouvez, je vous en prie.Avec amour et passion,
Votre dulcinée qui vous attend.
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Born to die
Fiction HistoriqueL'amour peut-il résister à la guerre ? Marie et Charles sont tombés amoureux le 17 avril 1914 dans un parc. Quelques mois plus tard, Charles est mobilisé. Durant un ans, les deux amants ne se verront plus que quelques semaines, à la faveur des rares...