Lettre n•4

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Mme Marie Dubois
7 rue des Lilas
Reims

Le 29 novembre 1914

M. Charles Duval
à la 10ème compagnie du 90 ème territorial
à Magnac laval
Haute Vienne

Mon amour,

Cela me chagrine de vous savoir dans un tel état sans pouvoir agir. Mon cœur se serre en lisant vos mots sur votre papier taché de terre et de larmes. Je joins ma douleur à la votre mon amant, vous savoir dans ce moment de peine et de peur, m'écorche le cœur vif. Je voudrais tellement pouvoir vous serrer dans mes bras et vous réconforter. Le monde peut parfois être si cruel qu'il emporte ses meilleurs soldats dans sa chute. Vous n'êtes ni un assassin, ni un meurtrier. Vous êtes mon amant, celui qui me réconforte dans mes instants les plus tristes. Celui qui a le don de me faire sourire dans mes moments les plus sombres et qui fait chavirer mon cœur depuis que mes prunelles se sont posées sur lui. Je vous pardonne pour ce que vous avez fait, Dieu vous pardonnera, il ne vous reste plus qu'à vous pardonner. Parfois, nous devons faire des choses qui vont à l'encontre de notre morale, à l'encontre de nos valeurs, à l'encontre de ce que nous croyons le plus cher. Pourtant, nous n'avons pas le choix. Dans votre cas mon cher Charles, vous êtes obligé de tuer si vous voulez rentrer à la maison. Vous êtes obligé de commettre cet acte qui vous semble inhumain pour pouvoir retourner au près de votre famille, au près de moi. Je voudrais tellement pour vous ôter ce fardeau de vos épaules. Je sais que ce que vous avez fait vous pèse sur la conscience mais je vous le répète et je vous le répèterai encore, jusqu'à ce que vous y croyez vous aussi. Vous n'êtes pas un meurtrier. Je ne porterai jamais de jugement envers vos actions. Les choses ne sont jamais noires ou blanches. Peut-être que pour un soldat ennemi vous êtes un homme horrible pour avoir tué son ami. Peut-être que pour votre général vous êtes un excellent soldat pour avoir respecté votre mission. Peut-être que pour la France vous êtes un héros pour avoir éliminé l'ennemi. Mais ces côtés de l'histoire ne sont pas importants, ce qui compte c'est ce que vous êtes pour vous. Ne vous torturez pas à regarder du point de vu où vous êtes le plus méchant, bien au contraire regarder le de vos yeux. Rappelez-vous pourquoi vous l'avez fait. Rappelez-vous des raisons qui vous ont mené à ce geste. Rappelez-vous qui vous êtes, une action ne vous défini pas éternellement. Mon cher Charles, vous êtes le propre créateur de votre vie, bien évidemment que vous actions sont irrévocables et ont un poids inestimables. Mais nous ne pouvons pas retourner en arrière, la vie continue sont cours peu importe ce qu'il se passe. Je vous en supplie ne rester pas coincé dans le passé mais prenez en exemple, promettez vous de ne jamais oublié ces personnes et une fois que la guerre sera passé vous vous promettrez de ne plus jamais toucher une arme. Ne vous tourmentez pas sur quelque chose que vous ne pouvez pas contrôler. Vous avez fait ce que vous aviez à faire, point, n'y songez plus. Je sais bien que les images prendront du temps à s'effacer de votre esprit, mais je vous en conjure, ne vous torturez pas en revivant la scène. Pensez à autre chose, rappelez-vous de chaque instant que nous avons passé ensemble. Souvenez-vous de notre première balade après s'être revenu une dizaine de fois sur ce même banc. Après une dizaine de jours, vous avez enfin eu le courage de me proposer une promenade à vos côtés. Le temps s'est arrêté comme mon cœur lorsque votre main à frôler la mienne. J'ai senti mon souffle se couper en sentant cette chaleur caresser mes doigts. Je voulais la saisir et la garder à tout jamais mais je n'ai pas eu le courage, je n'ai pas osé. Nos mains ont continué d'essayer de se toucher tout le long du trajet, me coupant le souffle à chaque caresse. Des frisons ont trouvé place sur ma peau, mon cœur s'est mis à battre de plus en plus vite et j'avais l'impression que le temps était suspendu. Vous m'avez raccompagné jusqu'à devant chez moi, nos regards se sont accrochés. Je n'arrivais plus à regarder autre part que dans vos yeux vert, j'étais hypnotisé par vous. J'avais l'impression de plonger dans une immense forêt apaisante et réconfortante. Je sais que je ne devrais pas vous écrire cela, mais je l'avoue, ce jour-là, je vous aurais laissé m'embrasser. Je ne vous aurais pas empêché, bien au contraire. Je sais que c'était contraire aux coutumes et vous le saviez également, c'est pour cela que vous m'avez seulement souhaiter une bonne fin de journée avant de partir. Rappelez-vous de la fois où vous m'avez invité pour la première fois à manger ? C'était un moment extraordinaire.
L'hiver approche ici également, j'ai commencé à tricoter des petits chaussons pour le nourrisson de Marguerite. Elle doit accoucher dans un peu moins d'un mois, c'est-à-dire, mi-décembre. Je lui passerai bien évidemment vos amitiés et cela sera avec plaisir que je raconterais des histoires de vous au petit.
Je vous prépare aussi une surprise pour vous tenir chaud dans ces horribles tranchées. J'espère que cela sera à votre goût même si je n'en doute pas une seule seconde. Noël approche, votre mère m'a invité au repas de famille, je ne sais pas ce que je vais lui répondre. Je trouve son invitation très accueillante cependant je ne voudrais pas m'imposer auprès de votre famille. Ne devrais-je pas attendre votre retour avant de passer Noël avec eux ? Je ne me sens pas d'humeur festive pendant cette période, cela me rappelle constamment le décès de mes parents. Je ne sais pas si je serai capable de fêter Noël à nouveau avec des personnes, j'ai l'habitude de le faire seul avec mon chat. Qu'en pensez vous ? Devrais-je accepter l'invitation de votre mère ?

Vous me manquez énormément mon cher amant,
Je vous envoie toute ma force et tout mon courage.

Avec affection,
Marie.

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