Lettre n•3

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M. Charles Duval
à la 10ème compagnie du 90 ème territorial
à Magnac laval
Haute Vienne

Le 25 novembre 1914

Mme Marie Dubois
7 rue des Lilas
Reims

Ma tendre et chère femme,

Mes mains sont couvertes de sang à présent, je suis ce que je déteste le plus au monde. Un meurtrier. Un assassin. Je n'oublie pas la raison de mes actions mais cela n'empêche pas que je me hais à présent. Qui suis-je pour décider si je mérite plus de vivre que l'homme étendu sur le sol ? Qui suis-je pour avoir commis un tel acte ? Je m'en veux tellement. J'aurais pu le laisser vivre, j'aurais pu le laisser s'enfuir, pourtant je ne l'ai pas fait. Le passé est fini cependant il persiste dans ma mémoire, me rongeant de l'intérieur.
Je voudrais pouvoir penser à autre chose mais le destin en a décidé autrement. La bataille n'avance plus, nous devons attendre, être seul avec nos pensées. Celles qui me rappellent constamment ce que j'ai fait. L'acte terrible et meurtrier que j'ai commis. Malgré cela, ma très chère Marie, vous conjurez mes mauvais rêves. Vous êtes mon porte bonheur dans ma spiral de malheur. Je me rappelle du jour où je vous attendais sur votre banc habituel, quelques jours après que vous m'ayez donné votre dessin. Je me souviens du sourire qui s'est dessiné sur votre visage en me voyant assis à votre place. Je n'étais pas venu les mains libres, je vous avais apporté un magnifique bouquet de différentes variétés de fleurs. Vous l'avez gentiment accepté avant de me rejoindre et de prendre place à mes côtés. Je me souviendrais à tout jamais de cette après-midi passé à vos côtés où j'ai entendu pour la première fois votre voix. Ce son mélodieux qui sort de votre gorge et qui me séduit à chaque reprise. Je donnerais tout, rien que pour entendre à nouveau votre douce voix, celle qui me murmure des mots rassurants dans les moments les plus durs. Je devrais remercier Marguerite, c'est grâce à elle que j'ai pu vous conquérir avec ce bouquet. C'est elle qui m'a conseillé ce-dernier. Pourriez-vous l'embrasser de ma part ? Je n'aurais jamais cru que je pourrais rater l'accouchement de ma cousine, l'idée de ne pas être là me chagrine mais je n'ai malheureusement pas le choix. Pourriez-vous déposer un baiser sur la tête du nourrisson une fois qu'il sera né de ma part ? Et si cela ne vous dérange pas, pourriez-vous également lui parler de moi ? Je voudrais qu'il puisse grandir en apprenant à me connaître, même si je ne serais pas là. J'espère qu'il s'appellera Charles, un magnifique prénom pour un brave petit garçon. Toutefois, il est vrai que nous ne connaissons pas le sexe du bébé, je sens que ça va être un petit bonhomme.
Je suis désolé d'entendre que l'inspiration pour vos œuvres vous a quitté, j'espère qu'elle reviendra très rapidement. Je serais ravi de voir tous vos nouveaux dessins dès mon retour.
L'hiver commence à se faire sentir, j'espère que vous avez bien pensé à allumer la cheminée dans la maison. J'aime vous savoir au chaud, si vous avez besoin d'aide n'hésitez pas à demander à mon père. Il sera ravi de pouvoir vous venir en aide.

J'espère ma douce Marie que vous ne souffrez pas trop, que vous saurez vaincre votre ennui, je vous envoie tout mon amour.

Charles.

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