Chapitre 6

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Ses paroles éclatèrent en elle, éveillant des émotions fragiles et un sentiment de connexion rare.

Elle tenta de le réconforter sans mots, sentant que cet instant intime ne nécessitait aucun discours supplémentaire.

Lui, de son côté, ne parut ni triste ni peiné. Il la regarda avec intensité, ses yeux brillants d'une sincérité qui laissa deviner des sentiments complexes. Dans ce regard, elle perçut une multitude de choses : une reconnaissance silencieuse, une complicité naissante, et une promesse tacite de quelque chose de précieux.

Ils restèrent ainsi, plongés dans un silence apaisant. Une douce brise vint les caresser. Le vent léger joua avec ses cheveux et fit frissonner légèrement leurs peaux.

_ Vous n'êtes pas seul... Ou du moins, arrêtez de l'être, à présent je serai à vos côtés, finit-elle par lâcher.

Il la regarda à nouveau.

_ Êtes-vous certaine, Talya ?

L'air se chargea de l'odeur de l'herbe fraîche et des fleurs environnantes. Les bruits lointains de la nature ajoutèrent une mélodie de fond subtile.

_ Oui, murmura-t-elle.

Il sourit en constatant qu'elle baissait la tête, une couleur écarlate venant habiller son visage.

_ Ceci dit, quel est votre prénom ? reprit-elle.

_ Je suis un humain dont le nom n'est jamais révélé.

_ Dans ce cas, il est temps de le révéler.

Il soupira légèrement.

_ Je m'appelle Matvey, prononça-t-il finalement.

Son visage s'illumina. Elle sourit, un sourire enfantin à pleines dents, laissant transparaître une joie pure et sincère. C'était un moment débordant d'innocence et de spontanéité.

Quant à lui, ses yeux s'agrandirent instantanément. À vrai dire, personne n'avait jamais réagi de cette manière en entendant son prénom.

_ Maintenant, dites-moi, s'il vous plaît, qui êtes-vous ? J'ai besoin de vous connaître davantage, déclara-t-il.

Elle racla sa gorge pour éclaircir sa voix, puis se redressa comme pour ajuster sa posture.

En mettant ses cheveux derrière ses oreilles, il put contempler son visage plus longuement.

_ Je vous demanderai également de ne pas me couper, vous savez, je suis assez timide.

Il rit doucement en hochant la tête.

_ Pour commencer... Je vis avec ma grand-mère... Une femme exigeante et autoritaire... Pour être honnête, c'est malaisant pour moi de vous parler de cela, elle me garde sous surveillance constante. Elle a cette manie de m'attacher à elle pour éviter que je ne m'échappe.

Elle souffla un instant avant de poursuivre.

_ Elle est toujours horrifiée à l'idée que je fasse des rencontres non approuvées ou que j'aie des expériences. Ma vie de quasi-emprisonnement me rend avide de liberté.

Elle détourna instinctivement le regard.

_ Mais malgré tous ses efforts, j'ai fini par rencontrer un jeune homme. Je l'ai aperçu en descendant les escaliers. Il était locataire dans la maison de ma grand-mère. Elle ne s'en est jamais rendu compte. Nos rencontres étaient brèves, et j'ignorais mes propres sentiments ou mes intentions. Quand il a annoncé qu'il partait pour Moscou, je n'ai pu retenir mes larmes. Le retenir était impossible. Pourtant, il m'a promis de revenir me chercher après un an.

Elle tourna cette fois-ci son visage pour fixer Matvey du regard.

_ Au début, l'attente fut remplie d'anticipation et d'excitation. Chaque minute était une promesse de retrouvailles, chaque jour un battement de cœur qui me rapprochait de ce moment espéré... Cependant, à mesure qu'une année se transforma en plusieurs, la fatigue s'installa. L'excitation initiale laissa place à une impatience frustrée. L'horloge devint un rappel douloureux. Le cœur, autrefois léger, se fit lourd de déceptions répétées.

Elle respira profondément, trouvant l'air frais plaisant.

_ Cette attente prolongée se mua en une colère secrète, presque honteuse, dirigée contre moi-même pour avoir cru et espéré. Pourquoi susciter l'espoir pour ensuite l'éteindre ? J'avais su qu'il était revenu, je l'avais vu, et un dégoût sans fin s'empara de moi. J'étais répugnée. Un mur de méfiance s'éleva en moi.

Elle s'interrompit pour prendre la main de Matvey.

_ Néanmoins, vous m'avez fait une promesse de revenir, et vous l'avez tenue. Cela m'a procuré un tel soulagement, Matvey..





À suivre

Le rêveurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant