18-Pollux

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      Mon corps entier me picotait. Je commençais à entendre des paroles indistinctes mais je n'avais aucune envie de les écouter. Je me sentais affreusement engourdi, comme si chacun de mes muscles étaient ramollis. J'étais dans un immense brouillard ambiant. Comme dans un nuage sommeillant avant l'orage. Mais mon corps était si raide que je ressentais l'irrésistible envie de le mouvoir. Rien qu'un tout petit peu.

Une profonde inspiration.

Bruyante.

Des murmures étouffés.

Une profonde expiration.

Enivrante.

Une main sur mon épaule.

      Cela ne me servait à rien de fuir la réalité. Tout doucement, j'ouvris les yeux. Puis les refermai aussitôt, aveuglé par la lumière. Je pleurai, trop de lumière d'un coup. Un grommellement s'échappa de mes lèvres me semblait-t-il. Les voix autour de moi s'amplifièrent. Elles devinrent plus réelles, plus distinctes. Plus à côté de moi.

       Je crus entendre une personne me tirer l'oreille. La pincer très fort. Malgré mon état végétatif je ressentis une pointe de douleur. Une plainte étouffée sortit de mes levres sans mon autorisation. La personne m'ayant fait cela voulait sans conteste m'inviter à me dépêcher de me réveiller.

      Mes idées étaient de plus en plus claires. Je me souvenais enfin de ce que je faisais dans cet endroit. Pourquoi tout était noir. Pourquoi je me sentais reposé. Pourquoi j'étais tombé. Comment. La douleur me revint telle une vague en pleine face. Elle était trop rapide pour que je l'anticipe. Ma mémoire était de nouveau infaillible.

       Je levai mes bras, puis posai délicatement mes mains devant les globes oculaires. Ils pleuraient. Tout en légèreté, je soulevais mes paupières une seconde fois. Préparée. Et comme les papillons mouvaient leurs ailes, je papillonnais des yeux. Le monde semblait être fait de milliers de nuances différentes. Toutes trop vives pour moi. Je voyais à travers mes pupilles comme une personne regarde à travers un kaléidoscope.

       Tous mes sens reprirent leur fonctionnement. Mon ouïe désormais parfaite me permettait de comprendre exactement toutes les paroles s'échangeant à côté de moi. Mon toucher m'informa que ma peau était chaude, chauffée par les rayons du soleil surement. Mon goût m'alarma sur le fait que ma langue était pâteuse, ma gorge bien trop sèche et mon haleine pestilentielle. Mon odorat m'expliqua qu'une forte fragrance de patacitrouilles mélangée à celle des amendes et des chardons était quelque part sur ma gauche. Ma vue me montra que ma jumelle, sur ma gauche, attendait impatiemment que je la regarde.

       Dès lors que mes yeux se posèrent sur elle, elle me sauta dessus et m'entraîna dans une étreinte étouffante.

Mais rassurante.

Il me semblait sourire.

       De là où j'étais, je pus apercevoir que seules Narcissa et Cassie étaient dans ma chambre d'hôpital. J'avais une vue imprenable sur les longs cils de ma sœur plissés contre ses pommettes et de son minuscule grain de beauté sous l'œil gauche. Je voyais aussi ses joues roses par la joie.

* * * * * * * *

       J'étais rentré au manoir au début de l'après-midi. Cassie n'avait pas arreter de bavasser. Elle ne s'était même pas arrêtée une seule seconde. C'était à se demander si elle s'était entraînée à parler sans arrêt. Je ne pouvais même pas dire quoi que ce soit.

       Ses informations étaient tout de même précieuses. J'avais, grâce à elles, appris que la rentrée scolaire se ferait le lendemain. Notre mère avait acheté toutes nos fournitures scolaires, mais je devais encore les empaqueter précieusement. Cassie, qui l'avait déjà fait, m'aida à disposer chaque affaire à une certaine place pour économiser le plus de place possible. Toutes nos affaires scolaires de l'année d'avant avaient été jetées, seuls les manuels avaient été conservés. Mes parents trouvaient inadmissible que nous ayons les mêmes robes et fournitures deux années de suite. Selon eux, seuls les moins fortunés se permettaient cette disgrâce.

La Noble et Très Triste Maison BlackOù les histoires vivent. Découvrez maintenant