Les cygnes du destin - Partie II

721 87 24
                                    

She's learning to walk away from things that aren't meant for her,

and walking bravely towards the things that are.

Mark Anthony Poet


C'était Augustin.

-Pardonne-moi, je ne voulais pas te déranger, s'excusa-t-il.

-Ce n'est rien, dis-je en souriant.

Augustin laissa ses yeux errer quelques secondes sur la chambre d'enfant.

-Je ne suis quasiment jamais entré dans cette pièce, me dit-il en baissant ses yeux clairs vers moi. Contrairement à Lysandre.

Il laissa sa main survoler sur les meubles jamais utilisés.

Ses mains, comme celles de Lysandre étaient fines et agiles, vierges de toute cicatrice. Augustin et Lysandre étaient des combattants, mais ils ne portaient pas les marques des Émeraudes, des Saphirs ou des autres Nations, habitués aux batailles et à la guerre. Comme moi, ils avaient été préservés de tout ça, même s'ils y avaient été préparés. Quant à leur visage ainsi, ils étaient à l'image de leur main, sans imperfections ni stigmates. Ils n'avaient ni souffert de la guerre ni de la faim. Sans pour autant pu avoir accès à la technologie esthétique de la Tour, ils étaient, parmi toutes les Nations, ceux qui nous ressemblait le plus, nous, Ivoiriens. La Nation d'Argent en se vendant aux miens – il y a quelques générations de cela - était devenue la sœur ainée de la Tour d'Ivoire. Sans pour autant l'avoir connue, j'étais fière de savoir que mon père avait voulu y mettre fin.

-Lysandre venait souvent ici ? demandai-je en en posant une main sur la tête d'Hélios.

-Dès qu'il n'allait pas bien ou qu'il avait besoin de s'isoler pour réfléchir (il me regarda intensément). Tu ne représentais pas seulement sa jumelle perdue, mais tu étais plus largement le symbole de la vie qu'il avait perdu : de sa mère biologique et de son père qu'il n'avait jamais connue, de la vie qu'il aurait eue si les choses s'étaient passées différemment. Lysandre aime sa vie, il aime notre mère comme si c'était la sienne. Mais le fait de savoir que peut-être sa sœur était en vie ne lui permettait pas de faire entièrement son deuil. Je t'ai détesté un temps pour ça pendant mes jeunes années (il me sourit d'un air contrit). C'était comme s'il y avait un fantôme entre mon frère et moi. J'étais vivant, moi, et pourtant, Lysandre ne pouvait s'empêcher de regarder en arrière. Je ne comprenais pas.

-Et maintenant ?

Augustin baissa les yeux vers Hélios et caressa sa joue du bout du doigt.

-Un jour, je me suis rendu compte que moi aussi j'avais perdu une sœur, que cela ne concernait pas seulement Lysandre. C'est peut-être stupide, mais jusqu'à mes 15 ans, j'analysais la situation seulement sous le prisme de Lysandre, et jamais selon le mien. Oui, moi aussi j'avais eu une sœur, oui moi aussi j'aurais aimé la connaitre. Son fantôme est devenu alors un peu le mien. Ce qui fait que je suis évidemment heureux de te rencontrer et de savoir que tu as toujours été en vie.

-Alors je m'en réjouis, répondis-je simplement.

-Cela ne doit pas être facile de se retrouver entrainé là-dedans avec un enfant, dit-il alors.

Je soupirai, baissant les yeux vers Hélios qui agitait doucement les jambes pour me signifier son impatience.

-C'est compliqué, en effet. Et en même temps, cela me fait plus réfléchir à la portée de mes actes.

Vous avez atteint le dernier des chapitres publiés.

⏰ Dernière mise à jour : Jul 05 ⏰

Ajoutez cette histoire à votre Bibliothèque pour être informé des nouveaux chapitres !

La Tour d'Ivoire - Tome 4Où les histoires vivent. Découvrez maintenant