Le dernier secret d'Amara

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"Le monde est dangereux à vivre, non à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire."

Albert Einstein



         Assise sur mon lit tandis qu'Hélios dormait dans la pièce à côté, j'éparpillai sur les draps les seuls effets personnels que j'avais emportés de la Tour.

Le collier en forme d'aile d'ange des cadets Eléazar, ma bague de fiançailles - une améthyste en forme de violette -, ainsi que la broche nacrée en forme de colombe offerte par ma grand-mère. Tout en passant les doigts sur la violette je me rendis compte que sur les trois possessions que j'avais choisi d'emmener avec moi, une me venait d'Ayaan. Une autre reflétait mon incapacité à me défaire de mon héritage d'Eléazar, et la dernière enfin était la preuve de mon amour pour celle que j'avais toujours considérée comme ma grand-mère.

Je fermai les yeux. Je ne savais pas pourquoi j'avais emporté ces trois bijoux. Sur un coup de tête peut-être. J'avais regardé ma chambre et je n'avais pensé qu'à eux. Ils symbolisaient pourtant deux choses que j'avais fuies : ma famille et Ayaan. Mon passé et mon mari, celui qu'on avait choisi pour moi. Je lâchai la bague et me saisis de la colombe. Voilà un symbole que je préférais. Je me souvenais encore du jour où Maria me l'avait offerte. C'était pour mon troisième anniversaire, elle m'avait dit que le bijou était très ancien, qu'il avait appartenu à la fille d'Alexander Eléazar, Jade. Qu'elle l'avait transmis à sa petite fille et ainsi de suite, passant de femme en femme Eléazar à travers les siècles. J'avais toujours ressenti de l'amour et de la force en la regardant, à présent, mes sentiments étaient plus nuancés. Il y avait toujours l'amour, l'espoir, mais une touche de tristesse et de colère s'y était ajoutée. Ce n'était pas le cadeau d'une grand-mère à sa petite fille, mais celui d'une mère à sa fille. Peut-être le symbole était encore plus fort, peut-être lui en voulais-je toujours autant de m'avoir menti toute ma vie.

Lorsque mes yeux se posèrent sur la paire d'ailes d'ange des Eléazar, je me fis la réflexion stupide que puisque je l'avais emmené avec moi, Galaad ne pourra jamais l'offrir à sa cadette ou son cadet, un jour. J'avais brisé une tradition vieille de millénaires, et au fond de moi, la crainte enfla. Que c'était stupide, ce genre de chose n'importait plus aujourd'hui. Le monde menaçait de s'écrouler et je pensais encore aux traditions grotesques des miens.

Soudain, la tête commença soudain à me tourner. La pièce tangua autour de moi. J'essayai de me lever, mais je savais que cela ne servirait à rien.

-Pas encore ... gémissais-je en me tenant la tête.

Le temps était compté. Amara savait que dans quelques jours, elle serait démasquée. Des Souffleurs Rêves proches de la jeune femme étaient tombés entre les mains des autres Créateurs. Probablement devaient-ils subir tortures et interrogatoires à l'heure qu'il était. Ils étaient forts, mais l'être humain, outre son esprit remarquable, était aussi fait de chaire, une chair faible qui ployait sous la souffrance. Rares étaient les âmes qui réussissaient à garder leurs secrets sous la torture, et Amara ne pouvait compter sur ça pour s'en sortir. Dans quelques jours, ses amis d'infortunes parleraient et les Créateurs comprendront enfin qui elle était vraiment.

Cela faisait plus de 5 années qu'elle jouait un double jeu, Créatrice et en même temps, meneuse des Souffleurs de Rêves qu'elle avait elle-même créé. Les Souffleurs de Rêves étaient nés de son erreur, de sa prise de conscience sur le monde qu'elle et ceux qu'elle avait pensé être ses amis avaient créé. En vérité, ils avaient été ses amis. Mais elle avait changé. Eux aussi, d'une certaine manière, et elle ne les reconnaissait plus. Qui d'eux ou d'elle avait véritablement vrillé du chemin qu'ils avaient choisi de prendre ? Elle n'arrivait pas à répondre à cette question. Tout ce qu'elle savait, c'est que jamais les rêveurs qu'ils avaient été n'avaient imaginé un monde de meurtre, de torture et de peur. Tel était pourtant le monde qui avait vu le jour sous leur règne. Elle devait à tout prix y mettre fin.

La Tour d'Ivoire - Tome 4Où les histoires vivent. Découvrez maintenant