La Tour d'Ivoire - Tome 4

Les Ombres des sables

"For those who feel small and quiet.

Spread those wings and roar."

Auteur inconnu

Elina

Dire qu'elle appréciait Lorenzo aurait été plus qu'exagéré, mais disons qu'elle commençait à pouvoir le supporter plus que quelques minutes. Ce qu'elle n'aurait jamais pensé pouvoir un jour dire. Peut-être était-ce dû au fait qu'elle avait dû vivre avec lui dans un espace restreint pendant des jours. Oui, vivre dans une cale de bateau créait forcément des liens. C'était forcément ça.

Lorsque l'étrange femme du Grand Marché des Nations leur avait assuré pouvoir les aider, ils avaient embarqué clandestinement sur un bateau sur sa demande, direction la Nation de Tourmaline. Elina se demandait pourquoi ils l'avaient suivi aveuglément, mais la vieille femme était leur dernière chance. Elle savait des choses, des choses que presque personne ne pouvait savoir.

Ils avaient accosté depuis à peine une heure, et la petite ville portuaire d'Erios grouillait de monde, même si ce n'était rien comparé à l'effervescence du Grand Marché des Nations. Elina suffoquait sous ses couches de vêtements, le soleil de la Nation de Tourmaline était bien plus éclatant que celui d'Émeraude. Elle aurait aimé retirer sa capeline et sa capuche, mais la discrétion restait de mise.

La jeune fille jeta un coup d'œil à Lorenzo devant elle, ses pas gracieux et assurés l'agaçaient toujours, d'autant plus qu'il ne semblait pas gêner par la chaleur suffocante. Elina avait pu le constater lors de leur traversée, même lors des pires conditions météorologiques, Lorenzo gardait toujours de sa superbe. Cet homme l'agaçait. Il était arrogant, menteur et manipulateur. Mais elle devait bien admettre qu'elle le détestait moins qu'au début de leur périple.

Leur voyage s'était pour l'instant bien passé, mais la vieille femme, qui leur avait demandé de l'appeler Naé, était constamment sur ses gardes, encore plus depuis qu'ils avaient posé le pied en Nation de Tourmaline. Lorenzo et Elina avaient eu beau essayer de la faire parler pour savoir ce qui l'inquiétait autant, elle était restée muette. Naé leur avait simplement dit qu'en Nation de Tourmaline, leur vie serait constamment en danger.

La vieille femme était en tête de leur petit groupe, un châle blanc autour de sa tête, elle cachait délicatement les traits de son visage. La femme ne leur avait rien révélé concernant son identité, mais il était évident qu'elle fuyait quelque chose. Lorenzo semblait en savoir plus que la jeune femme, mais il n'avait pas voulu partager avec elle son savoir.

Soudain, Elina manqua de tomber par terre. Lorenzo s'était arrêté net devant elle, et Elina ne l'avait pas vu et se cogna contre le jeune homme. Il la rattrapa in extremis.

-Par les Créateurs, mais tu ne peux pas faire attention, grogna-t-elle.

Lorenzo ne répondit rien. Il s'était figé, le regard fixé sur Naé qui ne bougeait pas non plus.

Elle se retourna lentement vers eux, le visage défiguré par l'angoisse. Puis elle se ressaisit et posa une main sur leurs deux bras en souriant.

-Mes enfants, je crois qu'il est temps pour moi de me reposer. La traversée m'a épuisée.

Pour passer inaperçus, ils s'étaient fait passer pour une mère accompagnée de sa fille et de son fils. Et par ses mots, Naé les avertissait d'un danger imminent : ils devaient se cacher au plus vite.

Elina sentit son cœur se mettre à battre la chamade.

Lorenzo fut le premier à réagir, il prit le bras de Naé et lui sourit en retour.