Traitres

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Dante, pourquoi dis-tu qu'il n'est pire misère
Qu'un souvenir heureux dans les jours de douleur ?
Quel chagrin t'a dicté cette parole amère,
Cette offense au malheur ?

En est-il donc moins vrai que la lumière existe,
Et faut-il l'oublier du moment qu'il fait nuit ?
Est-ce bien toi, grande âme immortellement triste,
Est-ce toi qui l'as dit ?

Souvenir - Alfred de Musset

Elvira

            Elle était certaine qu'ils l'avaient à nouveau droguée, ou au moins, donnée des calmants. Lorsqu'elle se réveilla ce matin, cet après-midi, ce soir-là – elle n'avait aucune fenêtre dans sa chambre, impossible de suivre la course du soleil – peu importe, elle fut prise d'une violente nausée. Elle allait pourtant bien. Sur son corps, plus aucune trace de blessures de guerre, plus aucun hématome. Rien. Elle se sentait même en forme, reposée, peut-être juste un peu groggy d'être restée si longtemps aliter, mais rien de plus. Elle avait la nausée parce qu'elle venait de se rendre compte que le temps avait passé, mais qu'elle ne savait pas véritablement depuis combien de temps elle était coincée ici.

            La guerre était-elle terminée ? Avaient-ils perdu ? Ses amis, sa famille, étaient-ils encore en vie ?

            Elle ferma les yeux et repoussa l'immense chagrin qui menaça de la submerger complètement.

            Dans sa paume était encore niché le Diamant de son frère, Sacha. À quand remontait cette discussion avec Markus ? Impossible de se souvenir, elle se rappelait vaguement ses visites, une femme qui l'aidait à se nourrir, mais rien de concret.

            Elle leva le Diamant devant elle, et à la lueur de la bougie posée près de son lit, elle l'observa en silence.

            -Seth, Gabriel, Néhora, Myriam, Clara, Elina, Raphael... où êtes-vous ? souffla-t-elle tout bas.

            Elle les savait forts, malins, et pour être honnêtes, durs à tuer, mais ils étaient en pleine guerre, une guerre qu'ils étaient en train de perdre.

            Quelle autre gemme tiendra-t-elle entre ses mains ? Celle d'un ami ? D'un ennemi ?

            Elle ferma son poing sur l'unique souvenir de son frère Sasha et prit sa décision.

            Elle était restée trop longtemps ici, elle était ambassadrice de la Nation d'Émeraude, son peuple et sa famille avaient besoin d'elle. Maintenant plus que jamais.

            Lorsqu'elle fut levée, elle jura de n'avoir aucune arme sur elle, elle détestait être vulnérable, et ce n'était pas sa nuisette au fin voilage blanc qui la protégerait des ennemis qui grouillaient dans cette maison.

            Pour l'instant, la maison était calme, mais elle restait aux aguets.

             Ne pouvant se résoudre à sortir sans moyen de défense, elle arracha à l'un des uniques meubles de la pièce – une petite commode en bois – un des quatre pieds. La partie arrachée était assez aiguisée pour lui servir d'arme.

            Que fut sa surprise lorsqu'elle constata que la porte était ouverte. Tout espoir de fuite déserta la jeune femme ; s'ils jugeaient inutile de l'enfermer, c'était que sortir de cette maison était tout bonnement impossible.

            Sans se laisser abattre, Elvira quitta la pièce et se faufila dans le couloir sans un bruit.

            Elle entendit des voix qui venaient de l'étage en dessous.

La Tour d'Ivoire - Tome 4Où les histoires vivent. Découvrez maintenant