Chapitre 15

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Sebastian

Après 40 minutes de train, j'arrive enfin à Odessa, où la température est encore pire qu'à Midland. Malgré ça, je ne mets pas de manteau puisqu'il est au fond de ma valise et que pour seulement quelques minutes de marche, mon sweat bleu me suffit amplement.

La ville est restée intacte depuis mon départ, le seul changement sont les décorations de Noël et la neige qui les accompagne. Malgré l'obscurité, j'arrive à me repérer et à me diriger vers le centre. Heureusement pour moi, ma mère n'habite pas très loin de la gare puisque autant dire que j'aurais fait de l'hypothermie.

La seule chose positive en faisant ce "voyage", c'est que je loupe les réunions, normalement obligatoires, pour le voyage du lycée.

Après seulement quelques minutes de marche, en arrivant devant ma maison d'enfance, je remarque qu'ils ont allumé le feu vu la fumée qui s'échappe de la cheminée. Et rien que voir ça me motive à affronter ma mère.

Je traverse l'allée gelée en essayant de ne pas me casser la gueule, et je pense rester cinq bonnes minutes, comme paralysé, devant la porte d'entrée qui est ornée d'une couronne de Noël qui me fout la nausée. C'est le bruit d'une voiture qui passe dans la rue qui me fait sortir de mon état de transe et me pousse à toquer.

J'entends les clés s'insérer dans la serrure au bout de quelques secondes, puis la poignée se baisser comme au ralenti.

Au moment où la porte s'ouvre, la première chose que je sens, c'est l'odeur d'une dinde qui vient à peine de sortir du four, mélangée à l'odeur du bois. La première chose que j'entends sont des pas lointains ainsi qu'une voix qui les accompagne. La première chose que je vois, c'est une femme habillée d'une robe rouge. La première chose qui me donne envie de pleurer, c'est le fait que cette femme soit ma mère et qu'il me faut plusieurs secondes pour le comprendre.

10 ans que je ne l'ai pas vu.

10 ans que je n'ai pas appelé quelqu'un "maman".

10 ans que cette boule au ventre avait presque disparu.

10 secondes que l'envie de l'insulter surgit.

10 secondes que l'envie de vomir me monte à la tête.

10 secondes que la pensée de la mort refait surface en moi.

-Mon fils, tu en as mis du temps ! s'exclame maman avec un sourire aux lèvres en s'approchant de moi.

Ses bras s'enroulent autour de mon cou. Je ne fais rien, je ne la repousse pas mais je ne réponds pas à son étreinte. Comme si cela semblait impossible et qu'elle allait me laisser tomber d'une minute à l'autre.

"Mon fils" au lieu de "Pardon de t'avoir viré de chez moi".

"Mon fils" au lieu de "Je n'aurais jamais dû dire de telle chose la dernière fois".

"Mon fils" au lieu de "Désolé de ne jamais t'avoir cru".

-Tu as grandi depuis le temps toi, s'exaspère-t-elle en me relâchant.

-Ce n'est pas très compliqué de grandir en 10 ans.

Son sourire se fait beaucoup plus nostalgique et son regard se pose sur ma valise comme pour trouver le moyen de fuir la discussion qu'elle pensait sûrement éviter pendant ce séjour.

Pas de chance pour toi maman, mais comme tu me l'as toujours dit, je tiens de papa.

-Entre, tu dois avoir froid ici.

Je ne me fais pas prier et passe le seuil de la porte. La différence de température entre dehors et ici me fait souffler de soulagement à cause de mes doigts rouges et de mes lèvres gercées par le froid.

Et L'Etoile Rencontre La TempêteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant