Et L'Etoile Rencontre La Tempête

Epilogue

Jeremy

3 ans plus tôt

Je sors de l'hôpital en trombe pour ne pas avoir à gérer cette situation aux côtés de ma mère.

Le brouillard rend ce moment encore plus déprimant qu'il ne l'était à l'origine. Tout est figé, comme quand on prend une photo et que le temps s'arrête sur l'image.

Si on nous n'avions pas découvert cette année que j'avais un cancer, j'aurais sûrement sorti une cigarette à l'heure qu'il est, même si je sais que je suis trop jeune pour prendre ce genre de merde, merci maman.

J'inspire un bon coup, tout en me rendant compte que je me sens bien, alors que ça devrait être l'inverse. Mais le fait de savoir que je vais mourir d'une maladie m'enlève une sorte de responsabilité. Je sais qu'il existe des remèdes mais je ne veux même pas essayer. Autant laisser cette possibilité à quelqu'un qui veut réellement vivre.

Si quelqu'un me demandait depuis combien de temps je suis autant optimiste avec la vie, je serais incapable de lui répondre. Parce que je ne me souviens plus quand le "vivre et mourir" est devenu un "vivre ou mourir". Parce que je ne sais plus quand mourir s'est transformé en option pour moi. Parce que je ne sais plus à quel moment la mort est devenue le remède à toutes mes souffrances.

Ma tête s'affaisse contre le mûr humide en même temps que mon regard ne parcourt le devant de l'hôpital. Jusqu'à ce que mes yeux se posent sur elle.

Son regard perçant parcourt rapidement le ciel terne tout en descendant les escaliers de l'hôpital, avant de s'asseoir sur un banc un peu plus loin.

Je la vois tous les deux jours depuis presque trois semaines. Toujours à la même heure, toujours pour la même personne.

Ses ondulations dansent au rythme du vent, attachés dans son élastique pour former une queue de cheval.

La seule chose que je sais d'elle, c'est que sa sœur est hospitalisée ici pour tentative de suicide et qu'elle n'a jamais cessé de venir la voir. À vrai dire, je l'ai deviné puisqu'elle se ressemble fortement. Surtout leurs voix et leurs yeux, même si ses yeux à elle pétillent.

Ma mère m'a toujours répété qu'après la pluie vient le beau temps.

Sans même connaître son prénom et le fait qu'elle ne sache même pas que j'existe, je crois qu'elle est devenue mon beau temps. Parce que chaque matin, j'essaye de me lever le plus tôt possible pour la voir arriver puis repartir. À chaque fois qu'elle pointe le bout de ses chaussures dans cet endroit sordide, elle amène la joie avec elle, même si son regard essaye de cacher ce qu'elle ressent au plus profond de son âme.

-Lyana, crie une voix aiguë, bouge toi on y va !

La concernée pivote sa tête vers la personne qui vient de crier.

Lyana. C'est beau comme prénom.

Son petit corps se redresse pour bouger de ce banc, et en partant vers ce qui à l'air sa mère, son regard croise le mien.

Maman a toujours dit qu'un simple regard pouvait nous faire remettre en question toute notre vie. Je ne l'ai jamais cru. Mais peut-être qu'elle n'était pas si défoncée que ça quand elle me l'a dit au final...

Je ne sais pas si c'était voulu, mais elle a souri. Elle m'a souri. Ses yeux m'ont transmis des milliards d'émotions en moins d'une seule seconde, parce que oui, elle est déjà partie.

Si je ne savais pas que j'allais mourir dans les prochains mois ou prochaines années, je lui aurais couru après à m'en déchirer les poumons simplement pour lui demander si tout allait bien. Mais à la place, je reste paralysé comme un gamin de 6 ans contre le mûr froid, tout en souriant.

Je me suis toujours demandé si la vie valait le coup d'être vécu. Si je n'étais pas voué à me casser la gueule jusqu'à ne plus pouvoir me relever malgré mes efforts. Mais je commence à comprendre. Le seul moyen de le savoir, c'est de vivre sa vie, tout en essayant de lui trouver un sens puisque vivre pour vivre, à quoi cela rime après tout ?

Alors c'est décidé. Même si ma vie se termine plus tôt que celles des autres, je vais faire en sorte qu'elle en valait la peine.

Et puis, même si je fous ma vie en l'air, soyez indulgent, on a qu'une vie pour apprendre à vivre.

Fin