La Loi du Silence

Chapitre 20 - Noise

Son regard émerveillé me rappelle celui d'un enfant devant le Père Noël. Je souris en l'observant détailler le paysage qui s'offre à nous. Quand enfin elle reporte son attention sur moi, ses yeux sont rougis d'émotion.

— Tu ne veux pas me découper en morceaux mais tu espères qu'un grizzli fera le travail à ta place, c'est ça?

— Tu as tout compris Blanche Neige, je rigole.

Son sourire s'efface rapidement et je culpabilise encore plus d'en être à l'origine. Ava sourit sans cesse mais avec mes bêtises il s'est effacé. Je soupire et m'installe sur un rocher. Je lui fais signe de me suivre alors que Rox joue dans l'eau. Elle hésite une seconde avant de capituler.

— Pourquoi est ce qu'on est là?

J'inspire un grand coup avant de me lancer. Je parle lentement pour prendre le temps d'articuler chaque mot sans trop faire ressortir mon bégaiement. 

— Je suis désolé Ava. Je n'aurais jamais dû douter de toi. Au fond, je n'ai jamais cru que tu pouvais nous trahir, mais j'ai eue peur. Peur de la place que tu commençais à prendre dans ma vie, peur des changements que tu provoquais en moi, peur de faire confiance à nouveau. Je ne te demande pas de me pardonner, je sais que je t'ai trahi. J'aurais dû être à tes côtés pour te défendre face aux accusations de mon Président et non pas à ces côtés à lui. Je m'en veux et ça me ronge depuis, je voulais juste que tu saches que je suis désolé, mais surtout je n'ai jamais pensé une seconde que tu étais stupide.

Heureux d'avoir réussi à m'exprimer, même si mon bégaiement n'est jamais très loin, avec elle je n'ai pas peur d'être moi même. Je relève la tête vers elle et découvre ses grands yeux bleus baignés de larmes. J'ouvre la bouche puis la referme complétement perdu face à sa réaction.

— Tu .. tu ne me demandes pas pardon?

— Je.. tu .. enfin.. je... quoi?!

— Pourquoi tu ne me demandes pas de te pardonner?, répète t elle les sourcils froncés. 

— Je .. Je comprends pas. 

— Moi non plus.

Elle se lève et commence à marcher de long en large en marmonnant.

— Tu demandes pardon, j'accepte, tu recommences, plus fort, tu redemandes pardon, j'accepte et ça recommence. Tu dois demander pardon et j'accepte toujours parce que je suis trop stupide pour réfléchir toute seule, trop bizarre pour plaire à quelqu'un d'autre, trop naïve pour ce monde d'adulte.

Elle marmonne les mêmes choses en boucles, les yeux perdus dans le vide. Elle est ailleurs et je tente de la ramener vers moi en la serrant dans mes bras. En premier lieu elle se fige avant de s'effondrer contre moi, comme ce soir là dans ma chambre. Elle pleure en s'accrochant à mon t-shirt comme à une bouée de sauvetage.

— Ava, chuuut. Calme toi. Tu n'es pas stupide, tu n'es pas bizarre. Tu es naïve ça je te l'accorde mais c'est ce qui fait de toi une personne adorable et attachante. Tu parles trop pourtant les silences sont devenus insupportables depuis que tu ne les combles plus. Tu es minuscule mais j'aime l'idée de pouvoir te mettre dans un sac à dos si je veux partir en randonnée. Tu es parfaite à ta manière. Je ne te demande pas pardon parce que je ne le mérite pas, je n'ai pas d'excuse. Enfin si, j'en ai des tonnes d'excuses. Je peux te raconter l'histoire de ce garçon au cheveux roux, bien trop grand et trop maigre qui bégayait et dont tout le monde se moquait, même ses propres parents, qui a préféré avancer dans la vie en fermant la bouche et en s'exprimant avec ses poings, pour finalement atterrir dans un MC et ne plus accorder sa confiance à personne. Ou alors je peux assumer que je suis un être humain, avec ses failles, en l'occurrence plutôt conséquentes, qui fait des erreurs mais qui apprend de celles ci pour mieux se comporter la fois suivante et certainement pas pour faire pire. Regarde moi mon petit Farfadet. 

Je pose mon index sous son menton et l'oblige à lever la tête pour croiser mon regard. Ses larmes ont cessé de couler.

— Qu'est ce qu'il t'a fait? Parle moi, je la supplie.

Une semaine de silence et j'ai cru crever. Je ne veux plus passer une seule journée sans entendre ses bavardages incessants. Je veux entendre sa voix chaque soir quand je me couche et chaque matin quand je me lève. Je la veux mais j'ai peur qu'il l'ait trop brisé pour qu'elle veuille la même la chose. Personne ne réagit comme elle l'a fait quand on vient te présenter des excuses. Elle est abimée, très abimée mais est ce qu'elle aura encore la force de se battre pour avancer à mes côtés? Est ce qu'elle en a envie tout simplement?

Ava s'écarte de moi et je pense une seconde que je l'ai perdu à jamais, que j'ai tout fichu en l'air, jusqu'à ce qu'elle s'assoit, le dos contre le rocher. Ses yeux perdus dans le vide, elle plonge dans la noirceur de ses souvenirs  pour me raconter son histoire. Quand je vois la terreur, la colère et le désespoir traverser ses iris, je ne sais pas comment je vais faire pour lui annoncer qu'il est là, qu'il l'a retrouvé et que ce n'est plus qu'une question de temps avant qu'elle ne croise à nouveau son chemin. La seule chose certaine, c'est qu'il ne posera plus jamais la main sur elle, je m'en fais la promesse.