Heiress's Heart

Chapitre 8-1

La tête enfouie dans la fourrure de Shinjù, Aldna observait du coin de l'œil les nouveaux arrivants et plus particulièrement Hogo, dont elle connaissait parfaitement le nom, mais pas le visage. Les doigts ancrés dans le pelage, elle laissa sa curiosité prendre le dessus sur ses craintes pour découvrir chaque détail du visage de l'homme à qui son père accordait toute sa confiance. En parcourant chaque ligne de ses joues, elle comprenait désormais l'admiration que Thiemos éprouvait envers lui. Ses yeux d'un bleu glacial et la dureté de ses traits ne pouvaient qu'inspirer le respect et l'admiration, tant son charisme transpirait par chacun des pores de sa peau. Pourtant le sourire qu'il lui adressa était empli d'une douceur et d'une tendresse déconcertante qui chassait les dernières craintes qu'elle avait pu ressentir à son égard.

Bien qu'elle ne ressentît aucune aversion envers lui, un hoquet de surprise s'échappa de ses lèvres quand le dieu la fit s'éloigner de lui, pour venir la déposer contre la poitrine brûlante de l'homme qui, lui-même, fut surpris par ce geste. Malgré cela, il la serra tendrement tout contre lui, tandis que les doigts délicats de la déesse refermèrent les pans du manteau contre son corps à demi gelé.

À peine sa joue atterrit-elle au creux de son cou, qu'une délicieuse odeur de bois musqué s'insinua en elle comme un parfum de nostalgie, lui rappelant celle de son père. Fermant les yeux, elle se remémora sa dernière étreinte protectrice, avant qu'il choisisse de s'éloigner d'elle pour tenter de la protéger. Durant ce bref instant, elle avait pris une profonde inspiration, se délectant de son effluve boisé, tout en sachant que les anneaux blancs du dieu de la mort Dodenvit se refermaient déjà sur eux.

À ce souvenir, une larme unique roula sur sa joue, prenant conscience, que jamais plus, elle ne retrouverait ses bras et sa chaleur. La lèvre tremblante, elle déglutit avec difficulté, tout en resserrant ses bras autour du cou de l'homme, craignant peut-être qu'il ne l'abandonne à son tour. À cette simple idée, une colère sourde commença à la submerger.

Pourquoi avaient-ils accepté l'invitation de la mort tout en l'abandonnant derrière eux ? Avait-elle été une si mauvaise fille pour qu'il choisisse de la laisser seule ?

Mille et une questions tournaient en boucle dans sa tête, créant un amalgame de sentiment complexe. Ne sachant quoi en faire, une vive douleur vint marteler ses tempes. Cherchant à la faire disparaître, elle relâcha son étreinte pour porter ses doigts sur son crâne, enfonçant ses ongles dans sa chevelure qu'elle empoigna avec violence. Alors qu'elle était sur le point de se les arracher, elle sentit une grande main gantée stopper son geste.

Surprise, elle rouvrit brusquement les yeux, la ramenant à la réalité. Elle comprit alors qu'elle n'était pas la seule à subir ce chagrin, car les deux iris cristallins qui s'accrochèrent aux siens semblaient dégager la même douleur. Comme apaisé par ceux-ci et par la caresse de ses doigts sur sa chevelure, le tumulte qui submergeait son esprit sembla s'atténuer peu à peu. Cherchant un peu de réconfort, elle reposa sa tête contre son épaule, acceptant l'étreinte chaleureuse qui lui prodigua. Se mordant la lèvre pour retenir ses larmes, elle remarqua la présence proche du jeune garçon.

Sa silhouette fine et élancée, sa longue chevelure brune encadrant des joues creusées et des yeux du même bleu que son père étaient à l'opposé de l'apparence de son frère. Pourtant troublé par son âge qu'elle supposait être le même que Thiemos, elle ne put retenir son chagrin qui se déversa sur ses joues. La vue troublée par ses pleurs, elle ne remarqua pas sa présence proche, jusqu'à ce que sa petite main vienne effleurer sa peau humide. Hoquetant de surprise, elle le fixa attentivement jusqu'à ce qu'un sourire apaisant se dessine sur ses lèvres fines.

La douceur dont il la gratifiait, intensifia les battements de son cœur, tout autant que son chagrin, en réalisant que lui non plus ne serait plus là pour la mettre en colère, l'obligeant à lui courir après pour recevoir des excuses. De toute façon sans Hérais, elle n'aurait également plus de raison de se mettre en colère. Qui aurait-elle besoin de protéger ?