Chapitre 4-2

14 3 13
                                    

Arrivée devant l'une des portes, elle l'ouvrit dans un fracas assourdissant, après avoir fait demander à ce qu'on lui apporte plusieurs couvertures. Elle s'approcha aussitôt du grand lit à baldaquin en bois de cérulea, dont elle repoussa les longs rideaux tissés de fils bleu et noir, permettant à Hogo de déposer la fillette sur les draps blancs. Yana qui venait de la débarrasser du large manteau de fourrure, réalisa avec horreur qu'elle était simplement vêtue d'une longue chemise blanche en coton.

- Où sont ses vêtements ? interrogea-t-elle en tournant sa tête vers l'homme qui toujours enfermé dans le silence, avait pris place sur l'un des fauteuils. Est-ce qu'on l'a touché ?

Un frisson parcourut son échine, imaginant le pire en arpentant de ses doigts chaque parcelle de sa peau, à la recherche de traces ou d'ecchymoses.

- Non, répondit laconiquement Hogo.

- Tant mieux, souffla-t-elle en massant frénétiquement ses muscles et ses articulations pour favoriser la circulation de son sang et ainsi la réchauffer.

Après plusieurs minutes de palpation, un fin sourire de satisfaction se dessina au coin de sa bouche, bien que sa température ait augmenté que très légèrement. Un tant soit peu rassurée, elle plaça une bonne couche de couverture sur elle, avant de caresser avec tendresse sa joue froide.

- Ça va aller, murmura-t-elle en observant les courbes rondes de son visage. Tu es en sécurité à présent. Nous allons prendre soin de toi, affirma-t-elle en effleurant doucement son front.

À peine prononça-t-elle ses mots qu'elle entendit frapper à la porte. Reportant son attention sur celle-ci, un homme d'une vingtaine d'années apparut. Son visage pâle était dissimulé derrière une grande étoffe de tissu marron. Ainsi que par une longue capuche tombant jusqu'à la cambrure de ses reins qui recouvrait sa courte chevelure rousse dont quelques mèches en désordre couvraient son front.

En pénétrant dans la chambre, la lumière des bougies disposées de part et d'autre de la pièce vint éclairer ses joues, dévoilant ses yeux aux couleurs disparates qui étaient vides et sans expression.

Yana qui faisait régulièrement appel à ses services, était comme chaque fois fascinée par la fluidité de sa démarche, malgré la cécité dont il était atteint. C'est sans la moindre hésitation qu'il rejoignit la fillette, pour doucement effleurer de son pouce la base de sa chevelure. Il laissa échapper un souffle étouffé par la bande de tissu, tandis que l'une de ses mains vint se perdre au fond d'une des sacoches de cuir qui enveloppaient sa taille et qui agrémentaient son long manteau vert. Celui-ci témoignait de nombreux raccommodages de par la présence de morceaux de tissu aux teintes dégradées.

L'apothicaire stoppa soudainement son geste et tourna sa tête dans la direction du couple. Bien qu'il ne prononçât aucun mot, Yana comprit immédiatement sa demande. C'est donc dans le silence qu'elle s'empara de la main de son mari, pour l'entraîner en dehors de la pièce.

Dès qu'ils se retrouvèrent dans le couloir, elle reporta son attention sur son époux qui restait enfermé dans le mutisme. Les questions qu'elle avait remisées dans un coin de sa tête lui revinrent en mémoire tel le flot d'un torrent. Alors que les yeux d'Hogo étaient imperturbablement fixés sur la porte de la chambre et que son silence commençait à devenir pesant, elle s'approcha de lui et posa sa main sur sa joue. À travers ses doigts fins, elle ressentait la contraction des muscles de sa mâchoire. De son pouce, elle effleura avec tendresse l'os saillant de ses pommettes, cherchant à le rassurer et à lui prouver qu'il ne devait pas affronter ses sentiments seuls. Car bien qu'elle le sache capable de faire face à n'importe quelle situation difficile, elle savait que les doutes et les incertitudes le rendaient parfois fragile et vulnérable. Son regard ancré dans le sien, elle lui adressa un sourire tendre et apaisant.

Heiress's HeartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant